Le ministère du Commerce avait confié en 2014/2015 selon l'APS au Pnud une étude sur la sphère informelle qui représenterait 45% de la superficie économique. Le ministre du Commerce l'avait évalué en 2012 à plus de 50 milliards de dollars, la banque d'Algérie et une enquête de l'ONS à plus de 40% de la masse monétaire en circulation. L'ex: ministre des Finances, Benkhalfa l'avait évalué dans un entretien à une télévision privée entre 40 et 50 milliards de dollars et en 2016. L'ex: Premier ministre Abdelmalek Sellal a donné le montant de 37 milliards de dollars (flach APS) en se référant aux données de la banque d'Algérie. Contredisant tous ces organes officiels, en septembre 2017 le Premier ministre Ahmed Ouyahia donne un autre montant 17 milliards de dollar, soutenu par. un ex: ministre, Amar Tou sans apport d'arguments valables, dans une allégeance pour le premier ministre actuel, tout en défendant le financement non conventionnel sans le relier au cadre macro-économique et macro-social. Cette cacophonie au niveau officiel, est d'une extrême gravité car sans système d'information fiable aucune prévision et politique économique cohére nte n'est possible les pertes pouvant se chiffrer en milliards de dollars. Car l'information qui en ce XXIème siècle n'est plus le quatrième pouvoir avec la percée de la théorie de l'intelligence économique mais le pouvoir lui même. Ayant eu à diriger une étude sur la sphère informelle pour l'Institut Français des Relations Internationales IFRI ( Mebtoul- ParisFrance décembre 2013) nous avions recensé quatre méthodes de calculs, chaque mode donnant un montant différent ,avec un écart de 20/30%. Comment dès lors expliquer l'écart énorme de 20 milliards de dollars donné par deux premiers ministres à une année d'intervalle Comment expliquer ce faible montant en contradiction avec la majorité des rapports de précédents gouvernements de 2000 à juin 2017 qui ont montré une faible bancarisation de l'économie ? Et pour rappeler la dure réalité économique, le square port Said le 24 septembre 2017 anticipant les effets inflationnistes de la politique de financement non conventionnel, le dinar a été coté à 200 dinars un euro. Dès lors et comment vouloir mener une bonne politique socio-économique. 1.- Comment définir la sphère informelle ? Le concept de «secteur informel» apparaît pour définir toute la partie de l'économie qui n'est pas réglementée par des normes légales. En marge de la législation sociale et fiscale, elle a souvent échappé à la Comptabilité nationale et donc à toute régulation de l'Etat, encore que récemment à l'aide de sondages, elle tend à être prise en compte dans les calculs du taux de croissance et du taux de chômage. Il y a lieu de différencier la sphère informelle productive qui crée de la valeur de la sphère marchande spéculative qui réalise un transfert de valeur. L'économie informelle est donc souvent qualifiée de «parallèle», «souterraine», «marché noir» et tout cela renvoie au caractère dualiste de l'économie, une sphère qui travaille dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans un cadre de non droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place. Pour les économistes, qui doivent éviter le juridisme, dans chacune de ces cas de figure nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste. La formation des prix et des profits dépendent dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international ( la sphère informelle étant en Algérie mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques, en fait par rapport à l'Etat, le paiement de l'impôt direct étant un signe d'une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injuste par définition puisque étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres. Aussi, l'économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures en cas de conflits ayant sa propre logique de fonctionnement qui ne sont pas ceux de l'Etat, nous retrouvant devant un pluralisme institutionnel/juridique contredisant le droit traditionnel enseigné aux étudiants d'une vision moniste du droit. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place c'est-à-dire des institutions et en Algérie. L'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen mais en s'autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique. Dans ce cadre, il serait intéressant d'analyser les tendances et des mécanismes de structuration et restructuration de la société et notamment des zones urbaines, sub -urbaines et rurales face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent impulsant une forme de régulation sociale. Cela permettrait de comprendre que face aux difficultés quotidiennes, le dynamisme de la population s'exprime dans le développement des initiatives économiques informelles pour survivre, ou améliorer le bien-être, surtout en période de crise notamment pour l'insertion sociale et professionnelle de ceux qui sont exclus des circuits traditionnels de l'économie publique ou de la sphère de l'entreprise privée. 2.-Méthodes de calcul pour mesurer le montant de la sphère informelle Plusieurs approches peuvent être utilisées pour évaluer l'activité dans le secteur informel. Là ou les approches choisies dépendront des objectifs poursuivis, qui peuvent être très simples, comme obtenir des informations sur l'évolution du nombre et des caractéristiques des personnes impliquées dans le secteur informel, ou plus complexes, comme obtenir des informations détaillées sur les caractéristiques des entreprises impliquées, les principales activités exercées, le nombre de salariés, la génération de revenus ou les biens d'équipement. Le choix de la méthode de mesure dépend des exigences en termes de données, de l'organisation du système statistique, des ressources financières et humaines disponibles et des besoins des utilisateurs, en particulier les décideurs politiques participant à la prise de décisions économiques. Nous avons l'approche directe ou microéconomique fondée sur des données d'enquêtes elles-mêmes basées sur des réponses volontaires, de contrôle fiscal ou de questionnaires concernant tant les ménages que les entreprises. Elle peut aussi être basée sur la différence entre l'impôt sur le revenu et le revenu mesuré par des contrôles sélectifs. Nous avons l'approche indirecte ou macroéconomique basée sur l'écart dans les statistiques officielles entre la production et la consommation enregistrée. On peut ainsi avoir recours au calcul des écarts au niveau du PIB (via la production, les revenus, les dépenses ou les trois), de l'emploi, du contrôle fiscal, de la consommation d'électricité et de l'approche monétaire. Les méthodes directes sont de nature microéconomique et basées sur des enquêtes ou sur les résultats des contrôles fiscaux utilisés pour estimer l'activité économique totale et ses composantes officielles et non officielles. Les méthodes indirectes sont de nature macroéconomique et combinent différentes variables économiques et un ensemble d'hypothèses pour produire des estimations de l'activité économique. Elles sont basées sur l'hypothèse selon laquelle les opérations dissimulées utilisent uniquement des espèces ; ainsi, en estimant la quantité d'argent en circulation, puis en retirant les incitations qui poussent les agents à agir dans l'informalité (en général les impôts), on devrait obtenir une bonne approximation de l'argent utilisé pour les activités informelles. Les méthodes basées sur les facteurs physiques utilisent les divergences entre la consommation d'électricité et le PIB. Cette méthode a ses limites car elle se fonde sur l'hypothèse d'un coefficient d'utilisation constant par unité du PIB qui ne tient pas compte des progrès technologiques. Enfin, nous avons l'approche par modélisation développée par Frey et Weck et approfondie par Laurent Gilles, qui consiste à utiliser le modèle des multiples indicateurs - multiples causes (MIMIC) pour estimer l'indice de l'économie informelle. Cette approche présuppose l'existence de plusieurs propagateurs de l'économie informelle incluant la lourdeur de la réglementation gouvernementale et l'attitude sociétale envers la bonne gouvernance. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place c'est-à-dire des institutions et en Algérie. 3 –Quel est le poids et l'évolution de la sphère informelle en Algérie (1) ? Les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément dans la sphère réelle mais au niveau de la sphère informelle notamment marchande avec une intermédiation informelle à des taux d'usure. Ici existe des données contradictoires, le Premier ministre a annoncé 37 milliards de dollars et l'ex ministre des Finances dans plusieurs déclarations publiques entre 40/50 milliards de dollars. Selon Deborah Harold, enseignante américaine de sciences politiques à l'université de Philadelphie et spécialiste de l'Algérie, se basant sur des données de la banque d'Algérie de 2012, l'économie informelle brasserait 40/50 % de la masse monétaire en circulation Ces données étaient corroborées par un document du Ministère du Commerce algérien de 2012 pour qui existeraient 12 000 sociétés écrans avec une transaction qui avoisinerait 50 milliards de dollars. Le ministère du Commerce avait confié en 2014/2015 selon l'APS au Pnud une étude sur la sphère informelle qui représenterait 45% de la superficie économique. Selon l'ONS l'économie informelle représente selon les chiffres officiels près de 45 % du Produit intérieur brut (PIB), ce qui correspond à une valeur de près de 125 milliards de dollars. Dans le même contexte, les conclusions de l'étude réalisée par l'Office national des statistiques (ONS) indiquent que l'économie informelle employait 1,6 million de personnes en 2001, contre 3,9 millions en 2012. Ces effectifs sont constitués de 45,6 % de la main-d'œuvre totale non agricole, dont 45,3 % dans le commerce et les services, 37 % dans la filière bâtiment et travaux publics et 17 % dans les activités manufacturières.. Quelle a été l'évolution entre 2012 et 2017 ? L 'ex ministre des finances Benkhalfa l'avait évalué dans un entretien à une télévision privée entre 40 et 50 milliards de dollars et en 2016. L'ex Premier ministre Abdelmalek Sellal a donné le montant de 37 milliards de dollars (flach APS) en se référant selon ses dires aux données de la banque d'Algérie. En septembre 2017 le premier ministre donne un autre montant 17 milliards de dollars. Un ex ministre en mal de publicité, sans apport d'arguments valables, je le citerai Amar Tou, sans peut été connaitre le sujet tout en défendant le financement non conventionnel sans le relier au cadre macro-économique et macro-social, n'ayant certainement pas visité la maison Algérie minimise l'importance de la sphère informelle. Comment également expliquer ce faible montant en contradiction avec la majorité des rapports de précédents gouvernements de 2000 à juin 2017 qui ont montré une faible bancarisation de l'économie ? D'une manière générale, il s'agit d'expliciter clairement pourquoi les dernières mesures tant des chèques que de l'obligation de déposer l'argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des banques algériennes qui sont actuellement de simples guichets administratifs, ignorant le fonctionnement de la société algérienne ont eu un impact très limité renvoyant toujours à la confiance et au fonctionnement global de la société. (A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international