Litigieuses, les questions mémorielles entre l'Algérie et la France planent toujours sur les velléités de raffermissement des relations entre les deux pays. La reconnaissance des crimes de guerre commis pendant l'occupation, la restitution des archives, les indemnisations des victimes de la Guerre de libération et des essais nucléaires de la France sur le territoire algérien sont autant de dossiers encore ouverts entre les négociateurs des deux pays qui peinent à enregistrer des avancées notables. De l'aveu même de l'ambassadeur français à Alger, il serait prématuré de tirer des conclusions hâtives concernant la récente décision du Conseil constitutionnel français qui a jugé, le 8 février dernier, que le fait de réserver aux seuls Français le droit à l'indemnisation pour les victimes de violences pendant la guerre d'Algérie était anticonstitutionnel. Sceptique, Xavier Driencourt, qui était, avant-hier, en visite de travail et de prospection à Constantine, a précisé qu'il y a, certes, cette décision, mais "sans doute, il serait prématuré d'en tirer des conclusions bien que les décisions du Conseil constitutionnel en France soient définitives et ne sont susceptibles d'aucun recours. Il va falloir l'interpréter et la mettre en œuvre puisqu'elle est intervenue à la suite d'une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) d'un Algérien, Abdelkader K., qui a fait un recours contre une loi de 1963. Alors, il va falloir voir avec le ministère des Armées françaises comment ceci va être mis en œuvre. Les commentateurs ne l'ont forcément pas relevé, mais je note qu'il y a une réserve importante dans la décision du Conseil constitutionnel qui stipule que ‘les personnes qui ont participé directement ou indirectement à l'organisation ou à l'exécution d'attentat ou acte de violence contre la France sont exclues de ce dispositif'. Donc vous voyez que c'est un processus assez limité. Il faudra voir quelle sera l'interprétation qui sera faite par le ministères des Armées et les juristes français pour sa mise en œuvre". C'est dire que les sages du Conseil constitutionnel français qui se sont basés sur le principe de l'égalité devant la loi, pour prendre la décision d'étendre le droit à des pensions aux victimes de violences durant la guerre d'Algérie (1954-1962) à l'ensemble de la population qui résidait dans l'ancien département français, n'ont pas manqué de verrouiller par avance cette loi qui ne profitera, à vrai dire, qu'à une infime minorité des invalides de la guerre. Abordant la question des indemnisations des victimes des essais nucléaires français à Reggane qui peine à se concrétiser, il reconnaîtra que "la difficulté d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français est liée aux conditions posées par le législateur, mais je crois qu'il y a eu encore des échanges récemment entre les deux parties". Pour l'ambassadeur français, le dossier mémoriel, qui est plus vaste, a été abordé par le président français, il y a deux mois : "J'ai assisté à tous les entretiens qu'il a eus à Alger avec les autorités algériennes où il a tenu un langage extrêmement clair puisqu'il a dit, comme il y a un an exactement lorsqu'il est venu à Alger, des propos forts, clairs et précis en tant que candidat à l'élection présidentielle. Six mois plus tard lorsqu'il est revenu à Alger, ce fut le même homme et la même personnalité qui a redit au président Bouteflika que lui, Emmanuel Macron, regardait la colonisation de manière totalement décomplexée et qu'il y aura des avancées dans un certain nombre de domaines. Il a pris la décision de restituer les crânes des combattants algériens et de mettre cela en œuvre rapidement puisqu'il va y avoir un projet de loi déposé au Parlement qui sera voté, puisqu'il faut déclassifier ce dossier. Il y a donc des choses qui avancent parfois discrètement comme la question des archives où le président Macron a décidé d'avancer rapidement car il y a un groupe de travail franco-algérien pour mettre cela en œuvre." Kamel Ghimouze