Le Dr Rachid Hallet, ancien membre de l'instance présidentielle du Front des forces socialistes, revient, dans cet entretien, sur la situation au sein de cette formation. Il lance un appel pour la tenue d'un "vrai" congrès extraordinaire du parti. Liberté : Un membre de l'instance présidentielle du FFS a démissionné de son poste, ce qui aggrave davantage la crise au sein de cette formation. Quel commentaire en faites-vous ? Le Dr Rachid Hallet : Cette crise n'est pas une surprise pour les militants et l'opinion publique. Elle n'est que le reflet d'une direction et d'une crise politique au sein du parti. À l'époque de mon exclusion de l'instance dirigeante du parti, j'ai dit qu'il y avait une crise durable. On la retrouve à la fois dans l'histoire du parti lui-même et en même temps dans le contexte politique général du pays qui est hostile à la mouvance démocratique. Je pense, pour revenir au parti, qu'il faut rappeler qu'il a connu d'autres crises durant la période du leader historique, le défunt Hocine Aït Ahmed. Ces crises ont été circonscrites. Sa disparition a inévitablement entraîné beaucoup de remous et d'instabilité. Le 5e congrès du parti avait pour ambition, justement, à travers ses résolutions statutaires, d'assurer une transition douce à la tête du parti, en instaurant une direction collégiale. Vous voyez aujourd'hui, où nous en sommes, aux luttes de pouvoir et de clans au sein de l'instance présidentielle, alors qu'elle est appelée à jouer un rôle fondamental pour concrétiser la volonté des militantes et des militants. Aujourd'hui, cette instance est dissoute de facto. Quel que soit l'avenir, le miroir et brisé. Le responsable de cette situation ne jouira plus de la confiance et du soutien des militants. Sur le plan politique, le projet et le mot d'ordre de reconstruction du consensus national marque le pas, non pas parce qu'il n'a pas reçu l'adhésion des Algériens, mais parce que, outre l'opposition de certaines forces extérieures, des relais à l'intérieur du parti se sont évertués à bloquer et à affaiblir les initiatives lancées dans ce cadre. La réalité d'aujourd'hui est que le parti est décapité, même si je reste résolument convaincu qu'il ne mourra pas pour autant. Avec tout ce que vous avez décrit comme profondeur de la crise, vous restez tout de même optimiste quant à l'avenir du parti... La raison fondamentale qui nous donne l'espoir c'est que le parti est profondément ancré dans la société algérienne. Les valeurs qu'il défend, le projet qu'il propose depuis sa fondation en 1963, les sacrifices de ses militants et de ses martyrs sont la garantie de sa survie. J'aime à penser et à croire que le rassemblement des énergies, la volonté bien trempée des cadres, des militants et amis du parti permettra de transcender la crise. Le parti ne doit pas mourir car le camp démocratique en a grandement besoin. Le congrès ordinaire du parti est prévu, selon les statuts, dans quelques mois. Que préconisez-vous ? Concernant le prochain congrès, je pense que le FFS a besoin d'un vrai congrès extraordinaire, car se référer aux dispositions statutaires me paraît un peu dépassé dans la situation actuelle des choses. Les statuts ont été tellement violés qu'ils ne peuvent plus permettre un retour à une situation normale. Il faut aimer le parti et se remettre en cause. Nous avons besoin d'un congrès extraordinaire de rassemblement et de renouveau. Nous ne voulons pas d'un congrès de règlement de comptes, d'épuration et de prise de pouvoir. Nous ne pouvons plus continuer à vivre des apparences de continuité. Il ne s'agit pas d'escamoter ou d'étouffer les conflits qui sont réels, mais de montrer notre capacité à les résoudre. Il ne s'agit pas également d'ignorer ou de réprimer les contestations internes, mais la situation exige de les reconnaître et d'en débattre démocratiquement et de permettre le retour des enfants du FFS, de tous ses enfants. Comme le dit assez bien une citation : "La vérité nous rendra libres." De ce fait, je pense qu'il faut mettre fin aux illusions et aux mythes stérilisants afin d'ouvrir de nouvelles perspectives et de nouvelles espérances pour la démocratie dans notre pays. Concernant ce que vous suggérez, à savoir le retour de tous les enfants du parti. Comment cela peut-il se faire dans les conditions actuelles des choses ? C'est quand ces camarades sentent la présence d'une réelle ouverture dans le parti, mais qui n'a malheureusement jamais eu lieu. Y a-t-il des initiatives dans ce sens ? Ces initiatives existent depuis assez longtemps. La réconciliation historique implique l'adhésion de ceux qui sont dans et en dehors des structures du parti, seule condition, à mon sens, à même de fédérer toutes les énergies et rassembler tous les enfants du FFS.