Des tractations sont en cours à l'est du pays et tendent, visiblement, à reconquérir le pouvoir à travers le FLN, dont le centre de gravité se trouve maintenant à l'Ouest, plus précisément dans la région de Tlemcen. Djamel Ould Abbes n'a pas fini de le ressasser : "Le FLN, c'est l'Etat." Entendre que la conquête du pouvoir passe par l'ex-parti unique. En sa qualité de secrétaire général du Front de libération nationale, il l'avait formellement revendiqué : "Le prochain président de la République sera issu du FLN." Le parti sortait d'une bataille électorale pour s'engager dans une autre. Les échéances législatives, puis communales. Deux rendez-vous électoraux qui allaient revêtir une importance particulière cette fois-ci, tant ils intervenaient à la veille de l'échéance la plus déterminante dans le pays : la présidentielle de 2019. Le FLN a pu sauvegarder la majorité dans les Assemblées, mais le Rassemblement national démocratique (RND), toujours à ses trousses dans les coulisses de l'administration et les arcanes du pouvoir, a, entre-temps, doublé son score. Les deux partis entamaient de régler leurs dernières querelles électorales lorsque, contre toute attente, une voix bruyante émergea de la maison FLN : le richissime homme d'affaires et député d'Annaba, Baha-Eddine Tliba, annonce une prochaine création d'une coordination nationale pour un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Un chahut qui sera vite absorbé par l'escalade des hostilités, déclenchées vers la fin de l'année écoulée, entre Djamel Ould Abbes et Ahmed Ouyahia. Manœuvres, coups et contrecoups se prolongèrent jusqu'au 21 janvier 2018, jour où Ahmed Ouyahia, en sa qualité de SG du RND, mais surtout de Premier ministre, décrète une trêve des hostilités. Djamel Ould Abbes retourne alors à ses besognes partisanes. Il met, cependant, aussitôt en branle la machine préélectorale : faire le bilan des quatre mandats d'Abdelaziz Bouteflika, qui est notamment président du FLN. Il charge l'ensemble des structures du parti des 48 wilayas du pays de mettre la main à la pâte. À partir de sa wilaya natale, Aïn Témouchent, où il lançait officiellement l'opération, le 3 février dernier, il interdit aux militants et cadres du parti de s'exprimer "prématurément" sur le cinquième mandat. De la sorte, Ould Abbes entendait agir méthodiquement. Chaque chose en son temps. Une chose à la fois. Faire d'abord un bilan "positif" des 18 ans de règne d'Abdelaziz Bouteflika. Bien chauffer et tester la machine électorale. Et attendre de voir si les conditions seront propices pour un cinquième mandat ; c'est-à-dire l'évolution de l'état de santé du Président. Mais voilà que le chahut qu'on croyait étouffé, réapparaît, plus résonnant cette fois-ci, porté par le vent de l'Est. Au lendemain de l'interdiction formelle faite par le SG du parti, à l'ouest du pays, le député d'Annaba revient à la charge et défie l'autorité de sa "hiérarchie". Dans un entretien accordé à un journal électronique, il annonce officiellement la mise en place de la fameuse coordination nationale, avec des noms de personnalités gravitant autour, à faire trembler toute la zone sismique de la sphère politique nationale. À travers son cabinet, Djamel Ould Abbes entre immédiatement en contact avec les personnalités citées, à l'exemple d'Abdelmalek Sellal, Kamel Mustapha Rahiel, Abdelwahab Nouri, Abdelkader Ouali, Hamid Grine..., dont certains ont vite fait de se démarquer de l'initiative. L'effet d'annonce recherché par Baha-Eddine Tliba allait perdre, dans un premier temps, de sa résonnance. Djamel Ould Abbes passe à la seconde étape, le 6 février, et installe la commission de discipline du parti pour parer à ce qui se révèlera une véritable tentative d'OPA sur le FLN. C'est d'ailleurs lui-même qui le soutiendra devant la presse : "Certains veulent rééditer le scénario de 2004." Djamel Ould Abbes faisait, ce jour-là, référence à la fracture créée dans le parti, lorsque l'ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, SG du FLN à l'époque, avait fini par se porter candidat contre Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle de 2004. Djamel Ould Abbes, qui déclara cette époque "révolue", promet de sévir avec force, mais aussi de remonter, à travers une enquête diligentée, jusqu'aux marionnettistes qu'il soupçonne de "faire agiter" Baha-Eddine Tliba. Dans le sillage des convocations adressées aux "agitateurs", le nom d'un cadre du parti, qui avait pourtant réussi à se faire oublier, refait surface. La direction du parti remet à la commission de discipline, le 13 février, un dossier bien ficelé traitant du cas du député de Tébessa, Mohamed Djemaï, ex-chef du groupe parlementaire du FLN. Il lui est reproché, selon nos sources, ses anciennes déclarations "hostiles" et "tendancieuses" contre l'actuelle direction du parti. Ceci, s'agissant de la forme. Car, dans le fond, et à l'approche de la réunion du comité central du parti, prévue à la mi-mars, Djamel Ould Abbes travaille à neutraliser tous ceux susceptibles de faire encore allégeance à l'ex-secrétaire général déchu, Amar Saâdani. Celui-ci est soupçonné déjà d'être toujours à la manœuvre, pour n'avoir jamais digéré son renvoi de la direction du parti. Djamel Ould Abbes, qui souhaite la session du comité central "ordinaire", entend donc en finir avec l'axe Annaba-El Oued. Bouhadja, l'invité surprise ! Mais voilà qu'un autre paramètre, inattendu, vient s'ajouter à la partie. Une guerre froide s'installe entre le groupe parlementaire du FLN et le président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Saïd Bouhadja, lui-même cadre et un des plus anciens militants du parti, élu de la région de Skikda. Des membres du groupe parlementaire, affirment nos sources, se sont plaints à la direction du parti des "va-et-vient, devenus fréquents, de Baha-Eddine Tliba dans le bureau de Saïd Bouhadja". Et pourtant, le président de l'APN s'était démarqué publiquement de l'initiative du député d'Annaba, allant jusqu'à qualifier la démarche de "grave dérive politique". Le malaise dans le parti s'accentue lorsque Saïd Bouhadja accueille une délégation des médecins résidents, le 12 février, sur demande d'un groupe parlementaire de l'opposition, et propose ses services de médiateur au gouvernement. Le groupe parlementaire du FLN, qui reprochait déjà à Saïd Bouhadja de sympathiser avec les groupes parlementaires de l'opposition plus que ne le permettaient les lignes à ne pas franchir de l'ex-parti unique, saute sur l'occasion. Des reproches et soupçons en tous genres sont mis en avant : "Saïd Bouhadja a des ambitions, il travaille pour sa propre carrière, il manœuvre pour l'intérêt d'autres cercles que celui de l'actuelle direction du parti..." La présidence de la République intervient dans l'affaire et fait faire à cinq groupes parlementaires de la majorité, le FLN, le RND, le MPA, TAJ et les indépendants, un communiqué pour déjuger l'action de Saïd Bouhadja et demander au gouvernement de ne pas céder face à la contestation sociale. Le président de l'APN serait dans le collimateur, confient nos sources. Djamel Ould Abbes, en déplacement, samedi dernier, à Tlemcen, n'a pas esquivé les questions de la presse sur cette affaire. "Saïd Bouhadja a commis une erreur", tranchait-il. Djamel Ould Abbes, qui prend le soin depuis quelque temps de s'entourer de cadres et anciens ministres FLN influents à l'est du pays, à l'exemple de Boudjemaâ Talaï et Abdelmalek Boudiaf, compte atterrir, samedi prochain, à Chelghoum Laïd, dans la wilaya de Mila. Initialement, il devait se rendre à Batna, assurent nos sources. Officiellement, donc, il y sera pour rendre hommage à des martyrs de la guerre de Libération nationale et honorer des membres de leurs familles. Mais cette visite, à l'est du pays, se veut, en réalité, surtout politique. Mehdi Mehenni