"Cinq militants, dont Baha-Eddine Tliba, seront convoqués et entendus sur des griefs différents par la commission de discipline", confie Djamel Ould Abbes. Au moment où le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Djamel Ould Abbes, entame une tournée nationale dans la perspective de faire un bilan "positif" des quatre mandatures du président Abdelaziz Bouteflika, des voix s'élèvent au sein du parti pour le gêner dans sa démarche de précampagne pour un cinquième mandat. Un projet de cinquième mandat, certes, non encore tranché, mais largement souhaité dans l'entourage présidentiel. Pour preuve, le député et ex-vice-président de l'Assemblée populaire nationale (APN), Baha-Eddine Tliba, ouvre une seconde piste pour une précampagne-bis. Le richissime homme d'affaires d'Annaba converti aux couleurs politiques de l'ex-parti unique depuis 2012, pour avoir été élu sur la liste d'une formation microscopique, revient sur l'initiative d'une coordination nationale autour du projet de cinquième mandat. À la différence de sa première intervention publique, il annonce, cette fois-ci, dans un entretien accordé dimanche à un journal électronique, le nom de grosses pointures ayant rallié sa caravane. L'annonce est d'abord intrigante puisqu'elle intervient au lendemain d'un meeting de Djamel Ould Abbes à Aïn Témouchent, où il a interdit formellement, et pour la seconde fois, aux militants et cadres du parti de parler "prématurément" du cinquième mandat. Ensuite surprenante, parce qu'elle révèle l'adhésion à cette précampagne "parallèle" des deux anciens Premiers ministres, Abdelmalek Sellal et Abdelaziz Belkhadem, de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, de l'ex-ministre des Ressources en eau, Abdelkader Ouali, de l'ex-ministre de la Communication, Hamid Grine, de l'ex-SG du FLN, Amar Saâdani, de l'ex-chef de cabinet au Premier ministère, Kamel Mustapha Rahiel, de l'actuel ministre de la Jeunesse et des Sports, El-Hadi Ould-Ali, du patron de la Centrale syndicale UGTA, Madjid Sidi Saïd, de l'actuel président de l'APN, Saïd Bouhadja, et de bien d'autres personnalités. Il s'agit là d'une pléthore de cadres-militants influents du FLN. S'il est vrai que ce beau monde a rallié la cause de Tliba, c'est-à-dire ferait peu de cas de l'autorité de l'actuelle direction du parti, c'est que les jours de Djamel Ould Abbes sont désormais comptés. D'autant que ces manœuvres interviennent à un mois et demi de la réunion du comité central du parti. "Ballon de baudruche" Le secrétaire général du FLN n'est, visiblement, pas homme à se laisser faire. Aussitôt les intentions de Baha-Eddine Tliba et de son entourage révélées, Ould Abbes est entré en contact avec les personnalités citées par le député d'Annaba. Une mission dont s'est acquitté son directeur de cabinet, Boubakeur Assoul. Rencontré hier au siège du FLN, à Hydra, Djamel Ould Abbes affirme que bon nombre de ces personnalités nient avoir eu le moindre contact avec Baha-Eddine Tliba. Il citera, entre autres, Abdelmalek Sellal, Kamel Mustapha Rahiel et Abdelkader Ouali. "Il y en a même qui ont été surpris d'apprendre cela sur des sites électroniques. Ils nous ont immédiatement contactés pour signifier qu'ils n'ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec cette initiative", soutient-il. Mais Djamel Ould Abbes sait pertinemment qui peut être derrière ce qu'il appelle les "agitations" de Baha-Eddine Tliba. Et ce n'est pas pour rien d'ailleurs s'il compte sévir. "Je procéderai demain (aujourd'hui mardi ndlr) à l'installation de la commission de discipline du parti. Des convocations seront adressées à cinq militants dont Baha-Eddine Tliba. Ils seront entendus sur des griefs différents et la commission décidera des mesures à prendre à leur encontre", confie Djamel Ould Abbes, qui n'ecarte pas l'exclusion du député d'Annaba des rangs du parti. Il faut dire que la démarche du SG du FLN, qui consiste à faire passer Baha-Eddine Tliba avec quatre autres militants du parti devant une commission de discipline, ne manque pas de finesse politique. La démarche vise, en effet, à ne pas surdimensionner le cas du député devenu trop gênant. Djamel Ould Abbes n'aura pas ainsi à mobiliser toute une commission de discipline pour une personne qu'il considère insignifiante. Sa probable exclusion relèverait plutôt d'un simple cas de discipline. Djamel Ould Abbes n'a pas non plus perdu son temps. Le jour même de la sortie médiatique de Baha-Eddine Tliba, le groupe parlementaire du FLN s'est réuni pour faire le bilan de ses premières activités à l'Assemblée populaire nationale. La rencontre sera sanctionnée par un communiqué rendu public le soir même sur le site électronique et la page facebook du parti. Et ce n'est certainement pas un hasard si dans le dernier paragraphe du communiqué, le groupe parlementaire insiste sur la confiance placée en la personne du "frère" et secrétaire général du parti, avant de rendre hommage au président Abdelaziz Bouteflika. À six semaines de la réunion du comité central du parti, le SG du FLN entend ainsi fermer le jeu. Il le dit d'ailleurs : "Pour moi c'est une réunion ordinaire. Pour le reste, ça va se dégonfler comme un ballon de baudruche." L'ombre d'Amar Saâdani Nul n'ignore la proximité qu'entretient Baha-Eddine Tliba avec l'ex-secrétaire général du FLN, Amar Saâdani. C'est d'ailleurs à lui qu'il doit son ascension dans les rangs du parti à partir de 2013, et sa promotion au poste de vice-président de l'APN. Mais depuis la succession de Djamel Ould Abbes à Amar Saâdani, le député d'Annaba a perdu de son poids au sein du parti. Aussi à l'Assemblée. Les manœuvres n'ont cependant pas cessé. Amar Saâdani qui, rappelons-le, avait eu le privilège de recevoir une lettre de félicitations du vice-ministre de la Défense et chef d'état-major de l'armée, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, au lendemain de son plébiscite à la tête du parti, lors du Congrès de juin 2015, n'a jamais digéré son limogeage. En réalité, l'entourage présidentiel, qui avait visiblement plus d'une raison de l'éloigner des commandes du parti, n'entendait pas laisser la machine électorale que représente le FLN lui échapper. Le choix porté sur la personne de Djamel Ould Abbes, un des plus proches et des plus fidèles à Abdelaziz Bouteflika, n'était pas anodin. L'entourage présidentiel voulait et veut toujours être le seul à peser dans le processus de succession en 2019. Comme l'état de santé d'Abdelaziz Bouteflika reste improbable et donc la question du cinquième mandat pas encore tranchée, l'entourage du Président ne veut aucune mauvaise surprise. D'où l'intérêt de garder une totale mainmise sur le FLN. D'ailleurs, à la question de savoir si un courant au sein du parti ne tente pas de récupérer la direction du FLN pour servir d'autres ambitions dans le cas où Bouteflika ne rempilerait pas pour un cinquième mandat, Djamel Ould Abbes nous dira : "Voilà pourquoi je suis la sentinelle du parti." Mehdi Mehenni