Des agents de l'Office de traitement des demandes d'asile ont observé, hier, une journée de grève. Des militants d'aide aux sans-papiers ont organisé un rassemblement devant l'Assemblée nationale. Le ministre français de l'Intérieur, Gérard Collomb, a présenté, hier matin, en Conseil des ministres, le très controversé projet de loi sur l'immigration et le droit d'asile. Au même moment, les agents de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (l'OFPRA) — lequel examine et statue sur les demandes d'asile — observaient une grève pour dénoncer la restriction, par le nouveau texte, des conditions d'accueil des réfugiés. Ils ont rejoint, avec leur mouvement, des magistrats de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en arrêt de travail et pour les mêmes raisons, depuis le 9 février. Après concertation, les fonctionnaires des deux institutions ont décidé se rassembler, eux aussi, hier, devant les locaux du Conseil d'Etat. Plus tard dans la journée, une autre manifestation a été organisée par l'association BAAM (Bureau d'accueil et d'accompagnement des migrants), à proximité de l'Assemblée nationale. à l'intérieur du Parlement, l'opposition à la loi sur l'immigration et le droit d'asile vient surtout des députés de gauche. Le parti de la France insoumise de l'ancien candidat à la présidentielle de 2017, Jean-Luc Melenchon, a décrété une journée de deuil pour les droits des étrangers. Au sein de la majorité, certains élus de la République en marche annoncent qu'ils ne voteront pas en faveur du texte, estimant qu'il manque cruellement d'humanisme. De leur côté, les associations d'aide aux étrangers en situation irrégulière accusent le gouvernement de vouloir, avec sa nouvelle politique sur l'asile et l'immigration, dissuader les gens de venir dans l'Hexagone. Plusieurs dispositions du projet de loi sont montrées du doigt. La plus importante concerne la réduction des délais de dépôt des dossiers de demandes d'asile (de 120 à 90 jours). Les périodes d'instruction pourront, quant à elles, être ramenées, dans certains cas, à deux semaines. "Comment voulez-vous en quinze jours convoquer un demandeur d'asile, lui accorder un entretien, faire des recherches complémentaires sur son dossier, vérifier ses dires, prendre une décision et notifier sa décision ?", dénonce Johan Ankri, responsable syndical de l'OFPRA. Celui-ci s'élève, en outre, contre l'intention des pouvoirs publics de recourir aux courriers électroniques pour notifier aux demandeurs d'asile les décisions les concernant, une aberration selon lui, compte tenu du dénuement dans lequel se trouvent la plupart des réfugiés. Un autre point qui fait débat, concerne la restriction des possibilités de recours pour les déboutés. Dans certains cas, le recours ne pourra même plus être suspensif et empêcher les expulsions. Pour favoriser les reconductions aux frontières, le gouvernement entend par ailleurs, avec son projet de loi, faire passer le délai d'incarcération dans les centres de rétention administrative, de 45 à 90 jours. Le but étant d'avoir plus de temps pour mener à bien les démarches d'expulsion, en obtenant les laissez-passer consulaires, par exemple. Les services de l'immigration comptent, également, utiliser l'assignation à résidence, comme d'une alternative au séjour en centre de rétention. Selon l'association d'aide aux migrants, la Cimade, cette disposition est dangereuse car elle met les clandestins dans une situation d'isolement. "Un pouvoir total est donné à l'administration. Elle pourrait désormais obliger les personnes à rester à leur domicile pendant 4 à 10 heures par jour. Lors de cette rétention hors les murs, à l'abri du regard de la société civile, l'expulsion peut avoir lieu à tout moment, lors du pointage quotidien ou même à domicile", dénonce l'ONG. Comme d'autres acteurs associatifs, elle s'élève, enfin, contre la pénalisation du franchissement des frontières Schengen par les étrangers en situation irrégulière. La nouvelle loi prévoit, dans ce cadre, des peines allant jusqu'à un an de prison et 3 750 euros d'amende. S. L.-K.