"Il appartient, aujourd'hui, au président de la République, en tant que premier magistrat du pays, seul garant de la Constitution et de la légalité des lois, d'intervenir pour garantir l'application de la loi dans le pays", a estimé Me Bourayou. Le général à la retraite, Hocine Benhadid, écope d'une condamnation d'un an de prison avec sursis et 20 000 DA d'amende. C'est le verdict rendu, jeudi dernier, par le tribunal de Sidi M'hamed, soit une semaine après la tenue du procès qui n'a que trop tardé dans cette affaire ouverte depuis octobre 2015. Pour autant, l'affaire est loin d'être close. Et pour cause, cette décision est jugée "inadmissible" par les avocats de Benhadid, lesquels comptent faire appel dans les "tout prochains jours". L'objectif étant de réclamer la relaxe de leur mandant. Mes Khaled Bourayou, Mustapha Bouchachi et Bachir Mecheri, composant le collectif de défense, considèrent que "les faits retenus contre Benhadid ne constituent pas un délit dans le code pénal algérien". Ils expliquent que l'accusation d'outrage à corps constitué, retenue contre leur client par le juge brandissant l'article 144 du code pénal, n'a pas lieu d'être tant que, défendent-ils, l'ANP, dont la gestion que Benhadid avait osé critiquer, en 2015, dans les médias (Radio-M et El-Magharibia, ndlr), n'est pas un corps constitué, mais bel et bien une institution et qu'elle est d'ailleurs citée dans le même article du code pénal. Idem pour ce qui concerne l'article 146 également mis en avant par le juge, lequel exige le dépôt d'une plainte préalable contre le prévenu et que les poursuites pénales soient subordonnées à cette plainte. Ce qui est loin d'être le cas pour Benhadid contre qui aucune plainte préalable n'a été déposée auprès de la justice. "Le cas de Benhadid ne peut relever que de l'article 146, celui-là qui exige une plainte préalable et que les poursuites pénales sont subordonnées à cette plainte préalable. Or, même ces deux conditions n'existent pas. Mieux encore, Benhadid est poursuivi pour avoir outragé un corps constitué, mais on ne sait pas quel est ce corps constitué. Si c'est de l'ANP, citée dans l'article, qu'il s'agit, celle-ci n'est pas un corps constitué", soutient, en effet, Me Bourayou, non sans accuser le ministère public et la justice d'avoir "politisé l'affaire". "Si c'est l'article 144 qui est appliqué, il n'y a que le chef d'état-major qui est concerné (par les critiques de Benhadid, ndlr). Or, celui-ci n'a pas déposé de plainte, donc on voit que le ministère public était utilisé pour protéger les notables ou les personnalités du pouvoir", regrette Me Bourayou pour qui, "aujourd'hui, on veut faire de l'article 144 un article de lèse-majesté". Dans cette affaire, ajoute l'avocat, "il y a (aussi) un abus d'autorité du juge dans la mesure où il applique une disposition de la loi qui n'a rien à voir avec les faits". De ce fait il lance un appel au président de la République lui demandant d'intervenir afin de faire respecter l'application des lois, et donc, du code pénal. "La décision que vient de rendre le juge contre Benhadid est inadmissible et inquiétante. D'où, il appartient, aujourd'hui, au président de la République, en tant que premier magistrat du pays, seul garant de la Constitution et de la légalité des lois, d'intervenir pour garantir l'application de la loi dans le pays. Ceci, d'autant plus que c'est à son initiative que les délits de presse ont été dépénalisés, même quand c'est le président de la République lui-même qui est critiqué", a rappelé l'avocat, tout en affirmant que "la loi pénale, qui est toujours d'interprétation stricte, n'est pas préjudiciable au prévenu, bien au contraire". Autrement dit, explique-t-il, elle ne peut être interprétée qu'à "l'avantage" du prévenu ou de l'accusé. Pour sa part, Me Bouchachi regrette qu'à travers l'affaire Benhadid, ce soit la liberté d'expression des citoyens qui est remise en cause. Il convient de rappeler que le général à la retraite, Hocine Benhadid, qui avait été arrêté et détenu en mandat de dépôt entre octobre 2015 et juillet 2016, a été mis en liberté pour raison de santé. Farid Abdeladim