Mabrouk Aib est enseignant universitaire (Ecole nationale polytechnique) et responsable régional pour une grande compagnie internationale. Dans le passé, il a été directeur de la planification stratégique du Groupe Sonatrach ainsi que directeur central de la stratégie et la prospective au sein du ministère de l'Energie et des Mines. Mabrouk Aib est enseignant universitaire (Ecole nationale polytechnique) et responsable régional pour une grande compagnie internationale. Dans le passé, il a été directeur de la planification stratégique du Groupe Sonatrach ainsi que directeur central de la stratégie et la prospective au sein du ministère de l'Energie et des Mines. Le collectif Nabni : En quoi la création d'une école de gouvernance est-elle une urgence, dans un programme de réformes économiques ? Mabrouk Aib : à mon sens, pour deux raisons essentielles. La première est liée à l'ampleur et la complexité du programme de réformes qu'il faudra lancer à très court terme. Pour ne citer que quelques-uns des chantiers prioritaires, la refondation du système de redistribution, inévitable aujourd'hui, doit être accompagnée de l'adaptation des politiques fiscales, qui à leur tour auront un impact direct sur l'ensemble des secteurs économiques. Citons encore le cas de la politique énergétique qui doit s'établir en concordance avec la politique du transport, celle de l'habitat et celle de l'industrie. Il en va de même pour les secteurs de la santé, de l'éducation ou de l'urbanisme pour lesquels il serait risqué de considérer les questions de réforme de manière isolée. Ou encore la nécessaire décentralisation et la réorganisation territoriale qui vont requérir un apport en compétences locales et centrales très important, qualitativement et quantitativement. Dans ce contexte, on comprend pourquoi notre Administration doit absolument renforcer ses capacités propres afin, d'abord, de construire les feuilles de route qui articuleront ces réformes dans leur globalité et dans leur détail, puis à les mettre en œuvre le plus efficacement possible – en corrigeant ce qu'il faut corriger au fur et à mesure de leur réalisation. Pour ce faire, il est indispensable de disposer d'une ressource humaine bien formée aux approches méthodologiques les plus récentes en matière de conception des politiques publiques, et aux meilleures techniques et outils permettant d'assurer la bonne exécution des plans et stratégies. La deuxième raison tient au fait que la création d'une telle institution donnera un signal très fort marquant l'engagement de l'Etat dans la voie de la modernisation de son organisation et de son mode de gouvernance. Il ne faut pas négliger l'importance de la conduite du changement dans toute entreprise de transformation. Les missions d'une telle école de gouvernance ne sont-elles pas déjà assumées par l'Ecole nationale d'administration (ENA) ? Je vous retournerais la question en vous demandant si vous pensez que les institutions publiques, et particulièrement les administrations centrales et locales, disposent de suffisamment de ressources humaines formées et préparées aux défis de l'engagement des réformes que l'Algérie doit conduire ? Ce n'est certainement pas de la faute de l'ENA qui forme de nombreux cadres pour l'administration publique ; mais à l'évidence, les besoins sont tellement importants que l'offre doit être renforcée et complétée. Soulignons que cette nouvelle école focaliserait son offre sur les masters et la formation exécutive aux fonctionnaires, avec des modules combinables en fonction des besoins. Elle rassemblerait dans une promotion des directeurs généraux de ministères au début puis des responsables d'équipes en charge de concevoir, mettre en œuvre ou évaluer des réformes. L'Algerian School of Government que propose Nabni aurait en plus la particularité d'apporter de nouvelles approches pédagogiques et viendrait compléter l'offre de formation existant actuellement dont celle de l'ENA, dont le rôle de formation initiale des cadres de la Nation doit être maintenu et renforcé. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont les programmes que peut délivrer une telle institution ? Pour quels objectifs ? Pour le premier volet, il s'agit d'apporter des solutions simples et consistantes à des problèmes complexes dans un environnement national et international contraignant. Dans un contexte de faiblesse de nos institutions, d'urgence des changements à apporter et des nombreuses intrications à considérer, la capacité de nos cadres à concevoir une feuille de route de transformation robuste sera déterminante pour le succès. Les futurs architectes de la réforme doivent apprendre à développer de nombreuses aptitudes : approche systémique ; vision globale; capacité à décomposer les problèmes, les considérer sous différentes perspectives, intégrer les différents enjeux économiques, écologiques, humains, politiques et sécuritaires. Toutefois, pour paraphraser Winston Churchill, si les stratégies conçues peuvent être excellentes, c'est de la qualité de leur exécution que l'on tirera des bénéfices. La capacité à mettre en œuvre les politiques publiques sur le terrain est loin d'être une partie facile et souvent la principale raison des échecs, ou du moins de la faiblesse des résultats. Le troisième volet, l'évaluation des politiques publiques, est quasi inexistant dans l'agenda de nos pouvoirs publics alors qu'il est une source formidable d'orientation. Nous avons besoin d'un corps de professionnels maîtrisant les règles de l'art en matière de diagnostic, de production de référentiels, et de technique de mesure. Enfin j'insiste sur les soft-skills à acquérir et notamment la vision, le sens du détail, la communication et la créativité. Ce sont trop souvent des aptitudes qui font défaut à nos cadres et qui sont pourtant indispensables. Il ne faut pas hésiter à investir très significativement dans leur développement et en faire bénéficier non seulement les étudiants inscrits aux masters de l'Algerian School of Government mais également les fonctionnaires en place dans le cadre de formation exécutive.