"Lorsqu'un pays vit des situations répétées de grèves, de manifestations de rue, de non-respect des autorités et des institutions, autant d'expressions d'un mécontentement des citoyens, il devient de plus en plus difficile par la seule répression d'endiguer leur généralisation." Comme nombre de partis d'opposition, le FFS ne dissimule plus ses appréhensions face à la propagation des foyers de tension auxquels le pouvoir semble opposer, comme unique réponse, la répression. Dans une allocution prononcée, hier à Alger, à l'occasion de la "Journée du militant", placée sous le thème "Libertés syndicales et droits humains", le premier secrétaire du FFS a mis en garde contre l'escalade de la violence, la tentation d'une gestion autoritaire des conflits sociaux et l'hypothétique renversement par la violence de l'ordre établi. "La contestation sociale se propage inévitablement et, si rien n'est fait pour y remédier, prendra une dimension politique dès lors qu'elle touche tous les segments de la société et toutes les régions du pays", soutient Mohamed Hadj Djilani. "Il arrive alors le moment fatidique où ni la force ni l'argent ne pourront contrer ces mouvements et leur convergence pour aboutir à un renversement plus ou moins violent de l'ordre établi. L'expérience dans le monde a montré qu'un régime non démocratiquement élu avec un Etat non respectueux des droits politiques, économiques, sociaux et culturels de son peuple est condamné plus ou moins à brève échéance", prévient-il. Face à une salle comble où l'on notait la présence de certains élus et même d'anciennes figures du parti à l'image d'Ahmed Djedaï ou encore Dalila Taleb, Mohamed Djilani n'a pas écarté le risque de voir le pouvoir tenté par une reprise "autoritaire" de la situation où les voyants sont au rouge au triple plan politique, social et économique. "Il est à craindre que le reniement par le régime de l'Etat social pour tous (...) et son choix d'adopter une voie libérale avec la caution d'intérêts étrangers et de privés nationaux pour le bénéficie de quelques privilégiés du système, n'entraînent un cycle de violence/répression. Le risque est qu'un tel scénario débouche non pas sur la fin de ce régime et sur un changement de son système de gouvernance, mais sur une reprise autoritaire accentuée du pouvoir reportant sine die l'instauration d'un Etat de droit démocratique", affirme Mohamed Hadj Djilani. Dans le même contexte, il observe que le régime refuse de dialoguer avec les syndicats autonomes dont il salue la résistance face à la "répression" et leur "prise de conscience". "Le régime se refuse à dialoguer sérieusement avec ces forces réellement représentatives des travailleurs. Comme tout régime autoritaire, tout contre-pouvoir qui lui résiste, il le détruit. Mais c'est une vision à courte vue." Durant cette "Journée du militant", de nombreuses communications d'acteurs sociaux, syndicaux et de la société civile ont été programmés. Invité à disserter sur les transferts sociaux, le spécialiste des questions sociales et ancien syndicaliste, Nouredine Bouderba a appelé à un "débat national sur la loi sur la santé et sur les retraites". Tout comme il a considéré que la perspective de "subventions ciblées" va toucher la classe moyenne et provoquer la régression. Pour sa part, Nouredine Benissad, président de la Laddh a dressé un tableau noir de la situation des droits de l'Homme, en relevant le non-respect par l'Algérie des conventions internationales qu'elle a pourtant signées. Cela étant et interrogé en marge de la "Journée du militant" organisée hier au siège du parti, Mohamed Hadj Djilani a qualifié de "non-événement" le dernier remaniement ministériel. "On n'y adhère pas. Pour nous, c'est un non-événement. Ce qui nous intéresse, c'est le changement de régime et la construction d'un consensus pour une alternative démocratique", a-t-il dit. Sur l'élection présidentielle de 2019, Hadj Djilani a réitéré "qu'à la lumière de ce régime, il n'y a point d'élections libres". "La priorité pour nous, c'est le changement de régime, pour ensuite engager un processus constituant où tous les Algériens seront représentés. On ne peut pas parler d'élections libres sous ce régime." Karim Kebir