Les citoyens n'ont pas caché leur extrême agacement devant la paralysie de certains axes routiers de la capitale, accentuée par la fermeture, pour la circonstance, du métro. Le président Abdelaziz Bouteflika a effectué, hier, une visite à Alger dans l'indifférence totale, sinon l'agacement des Algérois, contraints de subir la "paralysie" de la ville durant une mi-journée. L'agacement des citoyens, les uns obligés de se rendre au travail, les autres de vaquer à leurs tâches diverses, en ce jour de milieu de semaine, est davantage accentué par la fermeture du métro, objet essentiel de la visite présidentielle, mais aussi de certains axes routiers de la capitale. "C'est un non-événement. Qu'ils (les décideurs, ndlr) arrêtent de nous duper et de tenter de nous faire avaler des couleuvres, comme quoi nous avons un Président, lui, qui, comme tout le monde le sait, n'existe que par sa silhouette. Ils doivent avoir honte de continuer à malmener un homme que la maladie a terrassé depuis des années !", lance un badaud lassé d'attendre, à la place du 1er-Mai, le passage d'un taxi pour rejoindre Le Ruisseau, en l'absence du métro. Un peu plus loin, à l'extrémité ouest de la rue Hassiba-Benbouali, un commentaire similaire fusera de la bouche d'une femme, la quarantaine, qui, elle, devait, pour sa part, faire la trotte jusqu'à Champ-de-manœuvre, pour récupérer sa fille de l'école. "On en a marre de leurs mensonges", lâchera-t-elle, arrachant un sourire y compris à un policier en faction. S'il était annoncé que le Président allait "inaugurer" la mosquée Ketchaoua, sise à la place des Martyrs, et le métro dont l'extension atteint désormais ces mêmes lieux, personne ne savait, encore, quel itinéraire allait emprunter le cortège présidentiel. Ceci d'autant plus que l'ensemble ou presque tous les boulevards et autres rues principales était hautement quadrillés par les services de sécurité, alors qu'un hélicoptère de la police survolait la capitale. La capitale paralysée Les carrefours étaient, comme très rarement, bien régulés par des policiers portant des gants blancs comme au bon vieux temps. Le but étant de dégager la route pour le cortège présidentiel. Les bouches de métro, fermées, sont, quant à elles, "bien gardées" par les éléments en costume noir de la DSPP, lesquelles interdisaient aux passagers même une courte halte. Une affiche indiquant la fermeture du métro entre 6h00 et 14h00 est collée à l'entrée de chaque bouche. Pourtant, il a fallu attendre 11h30 pour que les sirènes du cortège présidentiel commencent enfin à se faire entendre au centre de la capitale. En provenance de la résidence médicalisée du président Bouteflika, à Zéralda, le cortège arrivera du côté de la place du 1er-Mai. Il longera la rue Hassiba-Benbouali sous le regard des passants qui tentaient d'immortaliser ce moment, devenu très rare dans le pays. Cependant, les curieux, qui voulaient approcher le président pour le prendre en photo ou en vidéo, resteront sur leur faim. La Mercedes fumée et blindée et, visiblement, bien adaptée pour transporter le Président sur son fauteuil roulant, ne permettait point de l'apercevoir. Ils se contenteront, néanmoins, de son frère et conseiller "spécial" Saïd qui, lui, était bien visible, sur le siège arrière d'une autre voiture. Les ministres et autres officiels, eux, avaient été dépêchés plus tôt à la mosquée Ketchaoua pour y accueillir le Président. Le cortège atteindra, quelques minutes plus tard, la place des Martyrs, en passant par le boulevard Zighoud-Youcef. Soit ce boulevard abritant les sièges des deux Chambres parlementaires (APN et Sénat), où sont adoptées toutes ses réformes dont la révision de la Constitution qui lui a permis, notamment, de rester au pouvoir quatre mandats durant... Relents d'une campagne... sans bain de foule À la place des Martyrs, barricadée par les haies métalliques de la police, les autorités, à leur tête le wali et le maire d'Alger-Centre, ont, comme ils l'ont promis, tout prévu pour assurer un accueil "populaire" au Président. Si le climat printanier était favorable à cette mise en scène, l'état de santé du Président ne l'était guère. Et le bain de foule, qu'il aimait tant, ne le sera pas, cette fois-ci, sinon à distance. Et pour cause, le Président, dont la "descente" de voiture s'est faite dans l'intimité, sous un chapiteau dressé à l'entrée secondaire de la mosquée Ketchaoua, n'a pu saluer ses "fans" qu'à partir des escaliers de cet édifice datant de l'ère ottomane, fraîchement restauré grâce à un don de la Turquie. Contrairement à de récentes images diffusées par la télévision publique où il apparaît à peine capable de bouger les membres supérieurs, le chef de l'Etat a, néanmoins, pu saluer le public avec la main droite avant de joindre les deux mains et les secouer. Un signe de reconnaissance aux prières à son rétablissement fusant de la foule. "Que Dieu vous protège Monsieur le Président", "Que votre santé s'améliore", ou encore "Nous sommes avec vous Monsieur le Président" étaient autant de petites phrases scandées, entre de stridents youyous poussés par un groupe de femmes en hayek. Si cette sortie présidentielle a des relents de campagne, d'autant plus qu'elle intervient au lendemain de l'appel qui lui est lancé par le SG du FLN pour briguer un cinquième mandat, bizarrement, la foule, même composée essentiellement de la "clientèle", n'en a, à aucun moment, fait référence. Les salves de baroud étaient également au rendez-vous. Mais pas le bain de foule souhaité. Le Président s'engouffrera aussitôt dans la bouche de métro de la place des Martyrs pour en ressortir, à l'autre bout de la capitale, par celle d'Aïn Naâdja, également inaugurée à l'occasion de sa visite. Et la vie de reprendre enfin ses droits dans la capitale. Farid Abdeladim