Les représentants du PT, du FFS, du RCD, d'El Adala-El Bina et d'Ennahda, et même ceux du Front El-Moustakbel et, à un degré moindre, ceux de Taj réclament carrément le retrait du texte. Après avoir été reporté et retardé plusieurs fois, le projet de loi sanitaire a été, finalement présenté, hier, par le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, en plénière à l'Assemblée nationale populaire. La nouvelle loi sanitaire, qui a va succéder à celle de février 1985, est loin de faire, semble-t-il, l'unanimité parmi les élus du peuple. Ce constat est partagé, à la lumière des interventions programmées hier dans les débats, par la quasi-majorité des représentants du peuple à la Chambre basse. À l'exception, de ceux de la majorité (FLN-RND), les membres de l'hémicycle Zighoud-Youcef récusent, de fond en comble, le projet de texte de loi dévoilé par le représentant du gouvernement. Les députés du PT, du FFS, du RCD, d'El Adala-El Bina et d'Ennahda et même ceux du Front El-Moustakbel et, à un degré moindre, ceux de Taj réclament carrément son retrait de l'APN. Les membres de la 8e législature, qui se sont relayés, hier, à la tribune, ont, dans leur majorité, condamné ce projet de loi. Le texte de Hasbellaoui remet en cause, dénoncent-ils, la gratuité des soins et le rôle social de l'Etat. Cela étant, le ministre a mis en avant, lors de son intervention, le maintien du principe de la gratuité des soins qui est, selon lui, consacré par deux dispositions, notamment l'article 12 du projet de loi. Cependant, et pour les députés qui s'opposent au projet et qui sont nombreux, le texte de Hasbellaoui est truffé de contradictions. "Le projet du gouvernement mélange, à dessein, le privé et le public. L'article 12, défendu par le ministre, est remis en cause par les articles 343 et 345 qui consacrent le désengagement de l'Etat." Lors de son intervention, le représentant du mouvement El-Bina, Slimane Chennine, a tiré à boulets rouges sur le gouvernement. "Il est inconcevable de programmer un tel texte de loi qui va peser sur le devenir du citoyen en matière de santé dans un contexte de grève et de contestation qui a touché pratiquement tous les corps de la santé. L'opportunité choisie par le gouvernement vient à l'encontre de l'esprit du dernier message du président de la République à l'occasion du 18 avril, dans lequel il a incité le peuple à relever les grands défis. Comment va-t-on relever les défis avec un texte de loi qui incrimine les médecins. Il y a 40 articles qui incriminent la crème du pays", a-t-il dénoncé, réclamant l'intervention du président de la République. Ce lancinant appel est également appuyé par le représentant du PT, Ramdane Taâzibt, qui n'a pas fait dans la dentelle pour dénoncer cette "contrevérité" du gouvernement. "L'Exécutif est en train de tromper le peuple, le chef de l'Etat est interpellé pour démasquer cette tromperie. Cette loi est un grand mensonge qu'on ne peut cacher. Les nouvelles dispositions de la Santé ont été élaborées pour que l'Etat abandonne les populations défavorisées, puisque les riches se soignent déjà à l'étranger", a déploré le député du PT. "Le promoteur du texte dit que la Caisse de la sécurité sociale va financer la santé des Algériens qui sont en difficulté. D'où va-t-elle ramener l'argent pour prendre en charge la santé des Algériens ? La Caisse se heurte à des difficultés. Elle ne dispose que d'un budget qui ne dépasse pas les 1 100 milliards de dinars, mais elle est appelée à dépenser 1 080 milliards de dinars pour financer les retraites, elle ajoutera 80 milliards de dinars pour les hôpitaux et débloquera 400 autres milliards de dinars pour le médicament. C'est impossible, donc c'est le citoyen qui va payer ses soins. Les personnes démunies ne pourront jamais se soigner. Pour nous, cette loi consacre le démantèlement du caractère social de l'Etat et balise le terrain pour les déserts médicaux." Décortiquant l'article 343 portant l'établissement d'une cartographie des démunis, le parlementaire du PT rappellera que cette disposition s'apparente au "code colonial de l'indigénat". "Le timing choisi est une provocation" "Cette loi signe, en fait, le retour du système de l'indigénat avec un nouveau visage. Il doit identifier les couches défavorisées dans la société. Comment va faire le gouvernement pour recenser les pauvres qui se comptent par millions ? Alors que ce même gouvernement a avoué qu'il est incapable de dénombrer les riches pour appliquer la loi sur la fortune. En fait, cette loi, si elle venait à être adoptée, consacrerait un système de santé à deux vitesses." Le chef du groupe parlementaire de l'alliance, El Adala-El Bina-Ennahda, Lakhdar Benkhelaf, demandera, pour sa part, le retrait de cette loi. "On demande au président de la République d'intervenir pour mettre fin à cette tromperie. Ce texte est un pur produit de la mafia qui gravite autour du secteur de la santé et de l'ancien ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf. On ne reproche rien à l'actuel patron de la santé en Algérie. La programmation de cette loi, en pleine période de contestation, est une pure provocation. C'est du mépris en direction des professionnels de la santé qui n'ont pas été associés." Le RCD, par la voix du député Ouamar Saoudi, s'interroge sur le timing choisi par le gouvernement pour présenter son projet de loi. "Il a, peut-être, choisi cette opportunité pour réussir à faire passer son projet qui n'avait pas fait l'objet de débat au niveau de la commission de la santé. Il ne faut pas perdre de vue que les professionnels de la santé ont déjà exprimé le rejet de cette loi. Nous plaiderons pour son retrait pur et simple. Le projet de gouvernement promet un système de santé à deux vitesses", nous confiera le représentant du RCD. Les représentants du FFS ont emboîté le pas aux autres formations politiques qui ne siègent pas dans le gouvernement d'Ahmed Ouyahia. Un des représentants du parti cher à Hocine Aït Ahmed, le Dr Ousalah, rappellera, en marge de la plénière, que sa formation récuse la mouture présentée en plénière par Hasbellaoui. "Le projet consacrera la déstructuration de l'Etat sur le plan social. Je vous cite, à titre d'exemple, l'article 345 qui oblige le citoyen à payer ses soins. Cette loi a été imposée par des lobbies. L'audit du texte demandé du temps d'Abdelmalek Boudiaf n'a pas été fait." Ne voulant pas rester en marge de l'événement, les députés du Front El-Moustakbel plaident pour la refonte du texte. "Pour nous, ce texte n'est autre qu'un prétexte pour privatiser le secteur de la santé. Nous demandons de revoir la copie, en concertation, évidemment, avec les professionnels de la santé. Le projet, tel que présenté aujourd'hui (hier, ndlr), est incomplet et ne répond pas aux aspirations des citoyens", devisera, en marge de la plénière, le chef du groupe parlementaire du parti d'Abdelaziz Belaïd. Le parti Taj, par la voix du député Mustapha Touassa, a plaidé pour la réforme du système de la Sécurité sociale, "pour pouvoir continuer à garantir la gratuité des soins pour les citoyens". Le représentant d'Amar Ghoul à l'APN a défendu la cause des médecins résidents qui sont en grève depuis cinq mois. "Avant d'aborder la teneur du texte, on doit d'abord chercher des solutions aux revendications des futurs spécialistes. Le débrayage des résidents a trop duré et a influé sur le fonctionnement des hôpitaux", a-t-il estimé. En revanche, des députés de la majorité FLN et RND ont excellé dans la diversion. Ils ont réduit les multiples problèmes qui rongent le secteur de la santé à la question du service civil. Hanafi H.