"Quel que soit le repreneur, notre souci ce sont les acquis des travailleurs et le devenir de l'usine dans la transparence", s'inquiètent les délégués syndicaux. Depuis quelques semaines, la société Alver-Verallia, spécialisée dans la production de verre et d'emballage de verre à Oran, revient sur le devant de la scène sociale avec la reprise des actions de protestation des travailleurs. Les rassemblements quasi quotidiens de quelque 40 ouvriers, comme c'était le cas, mardi dernier, à l'heure du déjeuner, sont les derniers épisodes du feuilleton d'une nouvelle cession d'actifs en préparation, selon nos interlocuteurs. En effet, sur place, les représentants de la section syndicale et du conseil syndical d'Alver ont dénoncé une opération qui se déroule dans un flou total. "Nous ne savons rien de ce qui se prépare et nous voulons être informés pour préserver nos droits." Il faut dire que cette situation n'est pas nouvelle tant l'instabilité règne depuis 2011 au sein d'Alver, année de sa privatisation. Pour rappel, cette entreprise qui s'étend sur 17 ha, faisait partie du groupe public Enava et sera cédée à 100% au groupe français St Gobain, via sa filiale italienne Verallia. Pour les travailleurs, la situation en 2018 est des plus confuses et inquiétantes pour la pérennité de l'entreprise, d'autant, affirment-ils, qu'ils sont mis à l'écart au nom de la "confidentialité". Ainsi les membres du conseil syndical nous ont déclaré que "déjà par le passé, Verallia avait dit avoir cédé des actifs en 2015 à une société américaine Appolo Global Management, mais nous n'avons jamais été informés sur le contenu de cette vente et nous n'avons jamais vu ces gens. Jusqu'à aujourd'hui nous n'avons de relations de travail qu'avec les dirigeants de Verallia qui sont les seuls ici". Et de poursuivre : "St Gobain, avec Verallia, s'était engagée à moderniser les équipements et à développer le site de production mais il n'y a rien eu. Aujourd'hui, la situation est très critique et il n'y a pas de renouvellement du matériel même les équipements de protection des ouvriers n'ont pas été renouvelés. La matière première est achetée au compte-goutte et les dirigeants nous ont dit qu'ils doivent vendre parce que la situation financière est critique". L'enjeu de l'application du protocole d'accord Si le conseil syndical s'inquiète d'une possible cession d'actifs, c'est qu'il tient à ce que les "acquis sociaux des travailleurs soient respectés" avec l'application d'un point du protocole d'accord (quote-part d'intéressement), prévoyant le versement d'une prime de 10% du prix de cession au profit des travailleurs. Dans une lettre du conseil syndical adressée à la direction générale d'Alver datée du 25 mars 2018, il est fait référence à une rencontre entre les deux parties, le 13 mars 2018, au cours de laquelle le "DG d'Alver confirme l'ouverture de chantier de cession d'actions d'Alver SPA, par le groupe Verallia pour un nouvel acquéreur...", suivie par la position du conseil syndical qui estime qu'"il est primordial de rassurer le collectif des salariés vis-à-vis de leurs préoccupations sur le devenir de la société et de leurs droits et acquis conformément à la loi en vigueur, d'encadrer cette phase et d'instaurer un pacte social avant la finalisation de ce projet de rachat par un nouvel acquéreur". C'est précisément cette phase et ce projet de pacte social qui ont poussé les travailleurs à protester, convaincus qu'"on essaie de les voler et de ne pas tenir les engagements du protocole d'accord", assurent nos interlocuteurs. D'ailleurs, les délégués syndicaux sur le site même de l'usine tiennent à préciser ne pas être contre la cession, en précisant : "Quel que soit le repreneur, notre souci ce sont les acquis des travailleurs et le devenir de l'usine dans la transparence." Durant tout le temps que nous avons passé sur place, nous n'avons rencontré aucun des dirigeants d'Alver-Verallia, ces derniers étant absents et injoignables. "Ils ne viennent que de temps en temps", nous a-t-on précisé, au point que les travailleurs affirment assurer la continuité de la production seuls, en 3X8. Autre point qui étonne dans la gestion de l'entreprise et qui est révélateur, c'est l'éviction du service de médecine du travail du site de production alors que c'est là une activité dangereuse avec le statut de pénibilité pour bien des postes. Un long courrier de la médecine du travail, en date d'octobre 2017, dénonce cette situation, faisant un rappel des obligations et respect de la loi algérienne à laquelle est soumise Verallia. Le médecin du travail voit dans les entraves rencontrées et décrites dans ledit courrier, une tentative de ne pas "se soumettre aux déclarations d'accidents du travail, même lorsque cela n'entraîne pas d'incapacité de travail" pour l'employé. Ces mêmes employés nous ont affirmé qu'il n'y a pas de médecin, ni d'ambulance sur le site et que les accidents sont nombreux. Outre la pénibilité du travail, les ouvriers restent en permanence autour des fours où la température peut atteindre 40 à 50°. Pour rappel Alver emploie aujourd'hui quelque 350 salariés, contre 500 au moment de la privatisation en 2011. D. LOUKIL