Les Irakiens ont créé la surprise en plaçant hier en tête des législatives, selon des résultats encore partiels, deux listes antisystème, loin devant le Premier ministre, Haïder al-Abadi, pourtant crédité d'un large soutien international et de la récente victoire face aux terroristes de Daech et d'Al-Qaïda. Ces premiers résultats officiels du scrutin de samedi n'incluent pas les votes des forces de sécurité, des Irakiens de l'étranger et des déplacés, et leur prise en compte est encore susceptible de changer la donne. Mais, pour le moment, à la surprise générale, les deux mouvements en tête sont celui du chef nationaliste chiite Moqtada Sadr, qui s'est rapproché de l'Arabie saoudite, au grand dam de Téhéran, et le Hachd al-Chaâbi, des supplétifs de l'armée proches de l'Iran. Ils ont tous deux adopté dans le passé une rhétorique hostile aux Etats-Unis, allant même jusqu'à les affronter militairement, avant de faire front commun avec eux pour bouter le groupe autoproclamé Etat islamique (EI) hors du pays. Ces scores surprise interviennent au moment même où les états-Unis et l'Iran sont à couteaux tirés après le retrait par le président américain Donald Trump de l'accord sur le nucléaire iranien. En 2014, Washington et Téhéran s'étaient tacitement accordés sur le nom de Haïder al-Abadi, écartant son rival au sein du parti Daawa, Nouri al-Maliki, dont le projet de revenir aux commandes a échoué. L'Iran n'a pas encore réagi à ces résultats partiels. L'alliance inédite du leader chiite Moqtada Sadr et des communistes sur un programme anticorruption (la marche pour les réformes) arrive en tête dans six des 18 provinces, dont Bagdad, et en deuxième position dans quatre autres. Derrière, l'Alliance de la conquête, une liste d'anciens commandants et combattants du Hachd al-Chaâbi, prend la tête dans quatre provinces, dont la ville méridionale de Bassorah, et est en deuxième position dans huit autres. M. Al-Abadi est devancé dans toutes les provinces, à l'exception de celle de Ninive, dont le chef-lieu est Mossoul, ex-"capitale" de l'EI dont M. Al-Abadi avait annoncé la "libération" mi-2017. Dans un premier temps, différents responsables politiques avaient placé le Premier ministre sortant en tête, semblant indiquer qu'il conserverait son poste. Cette possibilité existe toujours car le vote de près de 700 000 membres des forces de sécurité doit encore être dépouillé. De plus, dans un système calibré pour empêcher toute domination d'un parti, M. Al-Abadi peut former une coalition gouvernementale qui lui garantirait un second mandat. Pour ce premier scrutin postérieur à la victoire sur l'EI, 44,52% des inscrits ont voté, selon la commission électorale, la participation la plus basse depuis la chute de Saddam Hussein en 2003. R. I./Agences