La vie du militant du mouvement national et de l'homme d'Etat qu'était Benyahia est évoquée en présence de membres de sa famille et de quelques-uns de ses amis. Feu Mohamed Seddik Benyahia est depuis hier l'hôte de sa ville natale. À l'occasion de la célébration de la journée de l'étudiant, l'Université de Jijel organise les 19 et 20 mai un séminaire international sur l'itinéraire de Mohamed Seddik Benyahia. La vie du militant du mouvement national et de l'homme d'Etat qu'était Benyahia est évoquée en présence de membres de sa famille et de quelques-uns de ses amis. Hier, la salle des actes de la bibliothèque de l'Université de Jijel s'est avérée exiguë pour contenir l'assistance venue, en prenant part aux travaux du séminaire, rendre hommage à un homme politique discret, mais efficace qui a laissé ses empreintes dans les différents départements où il est passé. Le moment le plus émouvant et fort a été certainement lorsque Mme Fouzia Benyahia fera une petite allocution avant de recevoir un présent des mains du wali de Jijel. Un parcours exemplaire Mohamed Sedik Benyahia est né le 3 janvier 1932 à Jijel. Après des études au collège à Sétif, il fréquenta le lycée Emir-Abdelkader d'Alger. En 1954, il décrocha son diplôme de droit après s'être inscrit comme stagiaire au barreau d'Alger une année auparavant. À Alger, bien que non “structuré”, il est un fervent partisan du PPA. C'était la période durant laquelle le PCA et le mouvement de Messali se disputaient la représentativité des étudiants algériens. En 1955, il fait la rencontre de feu Rabah Bitat qui était détenu à Barberousse. En sa qualité d'un de ses défenseurs, il servira d'intermédiaire entre le membre du groupe des six et Abane Ramdane. Mais c'est en sa qualité d'animateur de l'Ugema (union générale des étudiants musulmans algériens) que Benyahia se fera remarquer sur la scène politique. Avec Bélaïd Abdesselam, à l'étranger, Lamine Khène à l'intérieur ainsi que Réda Malek et Messaoud Aït Chaâlal, il est l'un des fondateurs de ce mouvement estudiantin. la responsabilité de la section algéroise de l'union lui échoit. Dans un de ses témoignages, le défunt Mohamed Yazid raconte qu'après la création de cette organisation estudiantine, proche dès le départ du FLN, les autorités françaises lancèrent un mandat d'arrêt contre Benyahia et Lakhdar Ibrahimi. Ces derniers se trouvaient à l'époque à Jakarta. La direction de la révolution décida de les protéger en les affectant au bureau local du FLN. En sa qualité de responsable de l'Ugema, il est l'un des partisans de 19 Mai 1956 qui a vu des centaines d'étudiants et de lycéens abandonner les amphis et les classes pour rejoindre la révolution et l'étoffer. Lors de la création du premier Gouvernement provisoire de la république algérienne, il est membre du secrétariat général. Une fonction qui fait de lui la fourmilière du staff de Ferhat Abbès, puis de BenKhedda. Ainsi, au moment des négociations d'Evian auxquelles il a pris part activement, il sera remarqué comme étant le technocrate, pour ne pas dire le technicien, de l'équipe des négociateurs du GPRA. Ce n'est qu'après le 19 juin 1965 qu'il retournera à la scène politique qu'il marquera de sa touche jusqu'à sa perte. En sa qualité de ministre de l'information et de la culture, il est derrière la tenue en 1969 du festival culturel africain qui fera découvrir au monde la richesse culturelle de ce continent. Il est aussi derrière la nomination à des postes de responsabilité dans la sphère de la culture et des médias, pour la première fois en Algérie, de compétences reconnues. C'est le cas de Kateb Yacine, de Malek Haddad et de Mohamed Issiakhem. Son passage à l'Enseignement supérieur sera marqué par les premières réformes qui ont démocratisé l'accès à l'université et neutralisé les luttes entre frères musulmans et communistes pour le contrôle de l'université. En 1975, il est l'un des partisans du fameux congrès de réunification de la jeunesse algérienne. En 1979, il échappa à l'opération d'épuration menée contre l'ancienne garde. Pour être rattrapé, 3 années après, par la mort au-dessus du front irako-iranien qu'il est allé participer à son démantèlement. Son passage aux MAE est marqué par le dénouement heureux de la crise des otages américains détenus pendant plus d'une année à l'ambassade de Téhéran. Réda Malek se souvient que la compétence de l'équipe algérienne drainée par Benyahia a poussé les Iraniens à s'effacer, remettant le sort de leurs intérêts entre les mains des algériens. La démarche cartésienne de Benyahia a permis aux américains de soigner leur amour-propre sans casse et aux Ayatollahs de sortir d'une impasse qui menaçait à la longue leur révolution.Trois mois après avoir réglé cette crise, Mohamed Sedik Benyahia perd la vie lors du crash de son avion en survolant la frontière irako-iranienne. Il se rendait dans la région dans le cadre d'une mission de bons offices. Une année avant, il a eu la chance de survivre à un autre crash dans le désert du Mali. Un deuil de trois jours a été institué. Une commission d'enquête a été créée. La vérité, elle n'a jamais été dévoilée. Pourquoi deux crashs en un espace de temps très proche. Qui a décidé du choix du couloir aérien emprunté par l'avion du ministre algérien des AE ? Enfin, qui a donné l'ordre d'abattre l'avion ? Si le séminaire de Jijel n'a pas vocation de répondre à ces questions, des interventions des participants, il ressort que sans vérité quelque chose d'inachevé persistera après la clôture de ce genre de manifestations. Mourad KEZZAR