L'ancien ministre et membre du défunt Conseil de la révolution sous Boumediene, Layachi Yaker, a plaidé pour une initiative nationale en faveur de la mémoire de Benyahia. “C'est une intelligence rare.” C'est ainsi que Claude Chayet, ancien ambassadeur de France au Vietnam, décrivait, dans les années 1970, Mohamed-Seddik Benyahia. Abderazzak Bouhara, actuellement vice-président du Conseil de la nation, a choisi d'amorcer son témoignage sur l'ancien chef de la diplomatie algérienne par cette petite phrase, appartenant à un proche de Charles de Gaulle, mais qui vaut reconnaissance et admiration devant les qualités humaines et professionnelles de celui qui payera plus tard de sa vie ses tentatives de médiation visant à régler le sanglant conflit irano-irakien. Hier au siège du quotidien El Moudjahid, ils sont venus nombreux répondant à l'appel de l'Association Mechâal Echahid pour rendre l'hommage mérité à l'enfant de Jijel qui marqua de son empreinte militante des pages les plus valeureuses du mouvement national jusqu'à l'indépendance, avant d'apporter sa contribution à l'élan d'édification du pays. Alors qu'il était à la tête d'une délégation de cadres algériens de son département pour une mission de médiation dans le conflit irako-iranien, Mohamed-Seddik Benyahia, ministre des Affaires étrangères, a trouvé la mort durant la nuit du 3 mai 1982, au cours d'un accident d'avion survenu à 50 km des frontières entre la Turquie et l'Irak. Mohamed-Seddik Benyahia naquit le 30 janvier 1932 à Jijel. Il effectua des études et réussit à obtenir une licence en droit à l'Université d'Alger. En 1951, il adhéra au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), dont il se retira par la suite tout en maintenant un contact permanent avec les militants du parti. Connu pour son implication dans le mouvement national avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale, il participa, en 1955, à la création de l'Union générale des étudiants musulmans algériens avec Ahmed Taleb El-Ibrahimi et Lamine Khene et fut parmi les organisateurs de la grève des étudiants algériens qui rejoignirent les rangs du Front de libération nationale le 19 mai 1956. En 1956, il représenta le Front de libération nationale au Congrès de la jeunesse tenu à Bandoeng et fut nommé membre du Conseil national de la Révolution algérienne, puis membre du Gouvernement provisoire de la République algérienne en 1960. Au cours de la même année, il fut nommé chef de cabinet à la Présidence du gouvernement provisoire. Il participa aux négociations algéro-françaises (1960-1962) et joua un rôle important en influant sur leur tournure. Sa maturité d'esprit fit l'admiration des personnalités françaises qui participèrent aux négociations et il fut surnommé “le renard du désert” par le magazine Paris Match pour ses talents avérés en matière de polémique et de persuasion. Rédha Malek le qualifia après l'Indépendance de politicien redoutable. Le Pr Pierre Chaulet, Layachi Yaker, Salah Benkobbi, Abderazzak Bouhara, Zoulikha Benkadour, ainsi que d'autres figures connues ou moins connues, mais qui ont toutes eu le privilège d'avoir côtoyé Mohamed-Seddik Benyahia à un moment ou à un autre de son parcours dense et riche, même s'il n'a vécu qu'un demi-siècle, ont accepté de témoigner. La rencontre d'hier a donc permis de rappeler les qualités rares et les compétences avérées de l'ancien chef de la diplomatie algérienne et de retracer un tant soit peu les principaux événements qui ont marqué sa vie. Cependant, si l'initiative de l'Association Mechâal Echahid est assurément très louable et à plus d'un titre, elle l'est encore davantage devant l'incompréhensible mutisme officiel observé à l'occasion du 25e anniversaire du décès tragique de cet ancien cadre de l'Etat, mort en mission officielle. Simple oubli ou omission volontaire ? Quel intérêt a le pouvoir à passer sous silence l'anniversaire d'un tel événement qui a marqué l'histoire de la diplomatie algérienne ? Ayant certainement saisi l'incongruité de la position officielle à l'égard de cet anniversaire, l'ancien ministre et membre du défunt Conseil de la révolution sous Boumediene, Layachi Yaker, a d'ailleurs plaidé pour une initiative nationale en faveur de la mémoire de Mohamed-Seddik Benyahia. M. Yaker, pour qui Benyahia était “un ami, un compagnon, un frère”, a indiqué qu'en plus de la participation du défunt à la création de l'Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema) et de son implication dans le mouvement et le combat libérateur, “il a été un des éléments moteurs de la préparation et la conduite des négociations d'Evian et des étapes qui les ont précédées”. Pour sa part, M. Bouhara a confié que Benyahia, en plus du fait qu'il était “l'un des plus propres et intègres”, était “quelqu'un qui croyait profondément au rôle de l'intelligentsia dans le combat libérateur”. Hamid Saïdani