Le tribunal criminel de Béjaïa a rendu son verdict, jeudi, dans le procès du jeune blogueur Merzoug Touati, poursuivi pour "intelligence avec une puissance étrangère de nature à nuire à la situation militaire ou diplomatique de l'Algérie et à ses intérêts économiques essentiels" et "incitation à des attroupements non armés sur des places publiques". La cour n'a pas retenu le chef d'inculpation d'"incitation des citoyens à s'armer contre l'autorité de l'Etat". Le prévenu est condamné à une peine de 10 ans de prison ferme, assortie d'une amende de 50 000 DA. Le blogueur est également déchu de ses droits civiques pendant 5 ans. Au prononcé du verdict, la maman du prévenu, présente au procès, s'est effondrée. Le procès, suivi par les membres de l'Observatoire algérien de procès, s'est ouvert à 13h au lieu de 9h. Soit avec 4 heures de retard, pour cause d'absence des membres du jury, qui n'ont pas été convoqués. C'est un prévenu affaibli qui s'est présenté devant le juge, mais qui a, néanmoins, le moral tenace comme en témoignent ses réponses aux questions du juge et puis à celles du procureur de la République. Les avocats de la défense, Me Salah Dabouz et Me Abou Baker Essedik, ont été autorisés par le juge à s'entretenir avec leur client avant l'ouverture de son procès. Au juge qui l'a interrogé sur ses activités et ses publications sur sa page Facebook et la diffusion de sa vidéo sur YouTube, le blogueur a répondu : "Je mène une enquête de journaliste citoyen sur les déclarations de l'ex-Premier ministre qui a soutenu que c'est Israël qui est derrière les émeutes du 2 janvier à Béjaïa. À chaque fois qu'il y a des manifestations contre la politique du pouvoir, on nous accuse d'être à la solde de mains étrangères. Et je n'ai communiqué aucune information à une puissance étrangère." Et d'ajouter : "Les manifestations pacifiques sont un droit constitutionnel." À son tour, le procureur de la République a interrogé l'accusé sur ses liaisons via le Net avec, notamment, un colonel du Mossad, un chrétien et un juif tlemcénien. L'accusé récuse l'accusation d'avoir fourni des informations à une puissance étrangère. "Je n'ai pas reçu d'argent de ce Ariel Tebboune, le juif tlemcénien, pour financer une fitna entre les Kabyles et les Arabes. De même pour recenser les biens des juifs algériens expropriés", se défend Merzoug Touati. Le parquet a requis la prison à perpétuité. "C'est une instruction bâclée et à charge. Le dossier est instruit par la police et des personnes citées dans le PV, notamment Ariel Tebboune qui lui propose de l'argent et que Merzoug a refusé, le principal accusé, n'ont pas été convoquées pour être entendues par le juge", a plaidé Me Dabouz avant de préciser que la vidéo diffusée par le blogueur est une vidéo post-événement et qu'elle n'est pas à l'origine des émeutes de Béjaïa. "Il a fait des grèves de la faim parce que vous n'avez pas convoqué les témoins. C'est une instruction à charge contre lui", développe Me Dabouz avant de demander la liberté pour son client et de réinstruire le dossier en convoquant Ariel Tebboune. La défense va interjeter un appel. L. OUBIRA