Le bureau de l'Assemblée populaire nationale (APN) a annoncé le report du projet de règlement intérieur. Un ajournement qui pose des questions : est-ce une décision interne ou dictée en haut lieu ? Dans les coulisses de l'hémicycle Zighoud-Youcef, la possibilité d'un report a commencé à circuler mardi dernier, deuxième jour de débat autour de ce texte. Elle a été confirmée implicitement par le président de l'Assemblée nationale Saïd Bouhadja qui, face aux interventions virulentes de députés, a promis de "trouver une solution consensuelle". Dans un communiqué rendu public jeudi dernier, le bureau de l'Assemblée nationale parle de l'élaboration prochaine d'un "texte complémentaire, harmonieux" sans avancer une date précise de l'entame de ce travail. Un membre de ce bureau, qui a requis l'anonymat, soutient que la version actuelle du règlement intérieur va être rediscutée par les membres de la commission des affaires juridiques et sociales, juste après le mois de Ramadhan. Réagissant à ce report, le député du Parti des travailleurs, Ramdane Youcef Tazibt, s'en félicite. Il estime que la mouture "proposée par la commission des affaires juridiques montre une incapacité du système à se réformer de l'intérieur et exprime une résistance à tout changement. Ces éléments confirment une fois de plus la nécessité d'aller vers un changement à travers l'élection d'une Assemblée nationale constituante, unique gage d'un renouveau politique et constitutionnel". Le projet de réglement intérieur de l'APN a été critiqué par les députés lors de la plénière de lundi et mardi derniers. "Tout le monde est contre cette mouture du règlement intérieur, à croire que c'est le diable qu'il l'a élaborée", ironise Lakhdar Benkhallaf, président du groupe parlementaire Adala-Bina- Nahda, alors que son collègue du PT, Ramdane Taâzibt note "une contradiction de la majorité parlementaire vis-à-vis de ce projet de texte. Les députés FLN et RND l'ont vivement contesté en plénière, pourtant ils sont majoritaires au sein de la commission juridique qui l'a ficelé". Les partis de l'opposition contestent surtout les articles limitant la liberté de parole au sein de l'hémicycle et les prérogatives inhérentes au contrôle de l'action de l'Exécutif. Il est ainsi interdit de porter atteinte à l'image ou à la personne du président de la République ainsi qu'aux symboles de la nation et de la Révolution nationale ou d'évoquer une affaire en cours au niveau de la justice. Les députés n'ont aussi pas le droit de saisir le Conseil constitutionnel sur des projets de loi jugés inconstitutionnels ou ambigus, comme l'autorise pourtant la Constitution. Autre disposition décriée, pour initier un débat général autour d'un dossier d'actualité, il faudrait réunir au moins les signatures de 60 députés alors que 20 suffisent dans le règlement en vigueur. Dans le cadre du projet de mouture actuelle, il n'est pas non plus permis de créer une commission d'enquête parlementaire sans l'aval du bureau de l'APN et aucun délai n'est fixé aux différents ministres pour répondre aux questions orales et écrites. Pourtant la loi fondamentale de 2016 astreint les membres du gouvernement à présenter leurs explications dans un délai n'excédant pas les 30 jours. "Ce projet de règlement intérieur est en contradiction avec la Constitution et ne peut être adapté à une assemblée qui doit se libérer de sa soumission à l'Exécutif. Si la copie n'est pas revue, nous serions les premiers à la violer comme nous l'avons déclaré lors des débats", peste le député du RCD, Athmane Mazouz, pour qui le rejet du projet de règlement intérieur était nécessaire. Les propositions de changement formulées par la majorité parlementaire concernent surtout les articles 68 et 69 traitant du phénomène de l'absentéisme, lors des séances plénières et des réunions des commissions permanentes. Nissa Hammadi