Sembene Ousmane, le doyen du cinéma africain, a été accueilli comme un roi à Cannes. Après avoir reçu le prix Un certain regard pour Moolaadé l'an passé, il a été invité à donner une leçon de cinéma… et de vie devant un public très intéressé. Ont assisté, entre autres, à sa leçon ses amis, l'Américain Dany Glover, le Malien Souleymane Cisse, Grand Prix du jury au Festival de Cannes 1983 pour Yelen (la lumière) et le directeur du festival, Gilles Jakob. Sa leçon a été une sorte de témoignage sur son parcours de cinéaste qui l'avait amené à rendre hommage à la Cinémathèque d'Alger. En outre, Sembene Ousmane, interrogé par Jean-Pierre Garcia, président du Festival d'Amiens, n'a pas été tendre avec ses “cousins français”. Sur un ton humoristique et sarcastique, il a plaidé pour l'affranchissement du cinéma africain du paternalisme français, tout en encourageant la collaboration et le partenariat. C'est ainsi qu'il a fait partager ses interrogations et étonnements au moment où il recevait son invitation pour donner sa leçon de cinéma à Cannes : “Je me suis posé la question suivante : comment, moi, Sembene Ousmane, je viens donner une leçon aux donneurs de leçons ?” Souvent, les questions étaient maladroites tant elles étaient générales et évasives. Par ailleurs, en répondant à une question, Sembene s'est étalé avec allégresse sur son passage, sinon son va-et-vient, du langage littéraire au langage cinématographique. Il a considéré ses premières amours, les écritures romanesques et poétiques, que tout le monde a eu tendance à oublier, comme le substrat de la création cinématographique, et c'est pour cela qu'elles ont toujours une place importante dans son cœur. Aussi, pour éviter les palabres stériles, il a affirmé être l'héritier de toutes les cultures africaines et de tous les maîtres du cinéma universel. Enfin, profitant de cette occasion, il a annoncé qu'il travaillait sur l'adaptation de son roman Les Bouts de bois de Dieu au cinéma. Cependant, sachant le travail colossal qui l'attend, il n'a pas tout à fait partagé l'enthousiasme que le public avait manifesté en entendant la nouvelle. Au final, la grande leçon donnée par cet octogénaire, et que peu ont retenu, c'est qu'à 82 ans, on peut faire des projets comme si on en avait 20. Belle leçon de vie ! T. H.