Malgré son officialisation, tamazight est toujours la cible privilégiée des islamistes. Après avoir échoué à empêcher son introduction dans la Constitution, certains leaders de ce mouvement tentent désormais de faire avorter l'avènement d'une académie de langue berbère. Lors des débats qui ont suivi, hier, à l'Assemblée populaire nationale, la présentation du projet de loi portant création de l'académie algérienne de langue amazighe, les députés islamistes, notamment ceux du Front de la justice et du développement (FJD) d'Abdallah Djaballah, se sont investis pour pousser la Commission de l'éducation de l'APN à imposer le caractère arabe dans la transcription de la langue amazighe. C'était également l'occasion pour les parlementaires de ce groupe de s'attaquer, en des termes outranciers, aux militants de la cause amazighe. Le député de Constantine, Lakhdar Benkhellaf, est allé plus loin. Il a traité, dans son intervention, les partisans des caractères latins de "nostalgiques de leur mère, la France". Le parlementaire, très proche d'Abdallah Djaballah, s'en est également pris de manière véhémente au Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA), jugé "partial" et "régionaliste". Cette institution a fait l'objet de tirs groupés de la part des députés de cette formation, dont le chef a affiché publiquement son refus de voir tamazight devenir langue officielle dans le pays. Plusieurs de ces parlementaires ont notamment accusé le HCA d'avoir "favorisé une région", donc la Kabylie, au détriment des autres. Pis encore, l'institution de Si El-Hachemi Assad aurait péché, selon les intervenants, en adoptant les caractères latins dans la transcription de certains documents. Ces intervenants demandent également à ce que les membres de la future académie soient choisis "de manière équitable" dans toutes les régions berbérophones ! Comme alternative, les députés islamistes, rejoints en cela par certains députés du FLN, proposent la transcription de tamazight en caractères arabes pour rester "fidèles à nos ancêtres". La proposition fait même dans le déni des réalités. Lakhdar Benkhellaf évoque une "étude scientifique" qui démontrerait que "les caractères arabes sont les plus compatibles avec la langue amazighe". S'ils ne sont pas aussi "idéologiques" que leurs collègues islamistes, certains intervenants, notamment ceux du FLN, ont disserté sur le caractère historique de la décision de créer l'académie de langue amazighe, dont le seul mérite reviendrait à Bouteflika. Quid des militants de la cause ? Seuls les parlementaires de l'opposition ont touché au sujet. À commencer par Djelloul Djoudi, du Parti des travailleurs, qui a rappelé que la création de cette académie est "l'aboutissement de décennies de lutte". Un avis partagé par Farida Si Nacer, députée ANR de Bouira, qui a, notamment, demandé de laisser "les scientifiques travailler" loin des luttes "idéologiques". Une position partagée par le député du FFS, Djamel Bahloul, qui a demandé l'éloignement de tamazight des luttes idéologiques. Du côté du RCD, le député de Béjaïa, Athmane Mazouz, a demandé, au nom de son parti, à ce que l'Assemblée adopte "un texte qui va renforcer cette académie par des moyens et des missions bien définies pour faire d'elle une véritable institution scientifique". Le RCD a, également, demandé le "retrait" du texte "pour son enrichissement". Le projet de loi portant académie de tamazight, présenté par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a suscité en tout 90 interventions de députés. Ali Boukhlef