"De par les moyens et les mécanismes prévus, cette académie ne répondra pas aux critères scientifiques que l'on connaît aux académies de par le monde et qui assurent son indépendance", a souligné Me Hakim Saheb. Le vote par l'APN, avant-hier, de la loi organique relative à l'Académie algérienne de la langue amazighe, n'a pas manqué de faire réagir des juristes et des militants de la cause et des partis politiques, qui ont dénoncé une entorse à la Constitution et une violation de la loi fondamentale. Ainsi, après les réactions en plénière des députés du RCD et du FFS, notamment contre ce qu'ils ont appelé "les manœuvres du régime contre tamazight", des juristes abondent dans le même sens et dénoncent, eux également, la démarche du pouvoir qui vise, selon eux, "à vider l'article 4 de la Constitution de sa substance". Pour Me Hakim Saheb, "du point de vue du principe de la hiérarchie des normes, l'urgence était de s'atteler à la promulgation d'une loi organique portant généralisation et promotion de la langue conformément à l'esprit de l'article 4 de la Constitution". L'avocat a expliqué que ledit article "promeut tamazight du statut de langue nationale à celui de langue officielle", ajoutant que la mise en œuvre de cet article passe par "la promulgation d'une loi organique relative à la promotion et à la généralisation de la langue amazighe comme ce fut le cas pour la langue arabe". "Or, dénonce-t-il, ce qui a été proposé n'est autre qu'une discrimination", car, a-t-il précisé, "on a voulu vider substantiellement l'article 4 de la Constitution de son contenu, en se focalisant sur la mise sur pied d'une académie de la langue". "C'est une démarche pernicieuse du pouvoir en place", a dénoncé l'avocat, soulignant que cela "traduit la volonté du pouvoir à déférer l'intégration de tamazight dans les institutions et à rendre effectif l'article 4 de la Constitution". Concernant l'académie de la langue amazighe, l'avocat estime qu'elle ne répond pas aux critères scientifiques. "De par les moyens et les mécanismes prévus, cette académie ne répondra pas aux critères scientifiques que l'on connaît aux académies de par le monde et qui assurent son indépendance", a-t-il dit, considérant que même la composante humaine qui serait désignée "consacre plutôt la subordination au pouvoir exécutif" qu'une "volonté de mettre sur pied une institution scientifique capable de relever les défis". Il a relevé le fait qu'une volonté d'exclure des praticiens de la langue, dont des artistes et des écrivains de l'académie, existe, ce qui ôtera le caractère scientifique à cette future institution. Ahmed Betatache, ancien député du FFS, juriste et également militant de la cause, a rappelé que l'article 4 de la Constitution précise que tamazight "est également langue nationale et officielle. L'Etat œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Il est créé une Académie algérienne de la langue amazighe, placée auprès du président de la République. L'Académie qui s'appuie sur les travaux des experts, est chargée de réunir les conditions de la promotion de tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle. Les modalités d'application de cet article sont fixées par une loi organique". De ce fait, estime-t-il, "la loi organique qui devrait être promulguée, doit appliquer cet article de la loi fondamentale". Il a ajouté, à ce propos, que la loi organique attendue doit stipuler que "les institutions de l'Etat doivent œuvrer à la promotion et au développement de tamazight". Pour Ahmed Betatache, la loi organique votée avant-hier "est anticonstitutionnelle". Et, a-t-il précisé, "exige une loi organique pour la mise en œuvre de l'article 4 de la Constitution" pour la promotion et le développement de tamazight, car l'académie n'est qu'un instrument de cette promotion. Mohamed Mouloudj