L'a-t-on puni pour ses déclarations sur l'enquête en cours au sujet de l'affaire de la cocaïne, ou l'a-t-on écarté pour des ambitions encombrantes qu'il nourrissait pour 2019 ? Il est possible que les deux griefs aient pesé dans la sentence. Abdelghani Hamel n'est plus directeur général de la Sûreté nationale depuis avant-hier après-midi. Son renvoi, décidé avec célérité, est intervenu suite à des déclarations qu'il venait de faire, quelques heures auparavant. Le timing de cette éviction et la teneur de ces déclarations laissent penser que ceux-ci constituent le motif de cette décision qui frappe, quoi qu'on dise, un homme du régime en place. En tout état de cause, ce qu'il a dit publiquement avant son renvoi pouvait être interprété comme un acte d'hostilité envers ceux auxquels il enjoignait d'"être eux-mêmes propres pour combattre la corruption". Un acte d'hostilité qui, en soi, ne serait donc qu'une réaction de Hamel à ceux qui voudraient l'impliquer, via ses proches, dans l'affaire des 701 kilos de cocaïne, à tort ou à raison. Cela n'empêche pas, toutefois, de se poser d'autres questions : cherche-t-on à couper les ailes à un homme qui aurait fait preuve d'ambitions personnelles jugées démesurées à quelques mois de la présidentielle ? Aurait-il pris le "sens interdit" des orientations du clan dominant ? Autant d'interrogations auxquelles il est, pour l'heure, difficile de répondre avec certitude, tant est qu'aucune information ne vient éclairer la lanterne de l'opinion publique nationale. Une chose est sûre : Abdelghani Hamel se savait ciblé. Car, dans le cas contraire, il lui aurait suffi d'esquiver la question du journaliste sur l'affaire de la cocaïne saisie au port d'Oran. Ce qui aurait été plus conforme à la tradition chère aux gens du sérail, à savoir la rétention de l'information sur ce genre d'affaire, sous le couvert de l'obligation de réserve. Au lieu de cela, Hamel s'est saisi de l'interrogation du journaliste pour en dire sans doute plus que ce qu'attendait le journaliste lui-même. Peut-être en a-t-il trop dit, d'ailleurs ! Pour tenter de répondre à ces questions, il faut rappeler que l'ex-patron de la DGSN a, de tout temps, été présenté comme un des potentiels successeurs au chef de l'Etat. Une ambition que l'on a prêtée à Hamel et que ce dernier n'a jamais démentie, du moins publiquement. D'autres événements ayant eu lieu ont contribué à alimenter la rumeur sur les ambitions présidentielles du général, mais d'autres faits peuvent être perçus comme autant de tentatives de déstabilisation, voire de disqualification définitive de l'homme et de ses projets personnels supposés. On peut citer, à ce titre, la célèbre marche des CNS vers la présidence de la République qui, dans un pays comme le nôtre, n'était certainement pas un fait anodin. Il s'en était sorti plutôt renforcé, semblait-il. C'est dès lors que le DG de la police est présenté comme un élément important dans le puzzle de la succession. Le système algérien est rompu à la guerre des clans et même des "sous-clans" à l'approche de rendez-vous importants, il n'est pas à écarter, également, à la lecture des déclarations de Hamel, qu'il craignait de se voir concerné par cette enquête qui risquait, à la vitesse où vont les ouï-dire, de déballer des vérités qui feront trembler des pontes du régime. Le DGSN, a-t-il une quelconque relation avec l'affaire de la cocaïne ? Aurait-il donc agi de la sorte pour se mettre à l'abri ? En mettant en garde contre "l'isolement" de la police dans l'enquête, sa menace de mettre des dossiers sur cette même affaire à la justice et les défis lancés contre des parties qu'il n'a pas citées, sonnent comme une manière de se protéger en mettant en avant une capacité de nuisance dont il pourrait user à son tour. La citation de l'un de ses chauffeurs dans l'affaire ne devrait pas forcément provoquer sa chute. Son renvoi, dès ce stade de l'enquête, serait-il donc dû, à quelqu'autre lien, beaucoup plus étroit, entre l'ex-chef de la police et l'affaire elle-même ? Les nombreuses personnalités citées dans le sillage des affaires de Kamel Chikhi confirment, en tout cas, qu'il s'agit d'une affaire dans laquelle sont impliqués d'importants responsables dans les rouages de l'Etat. Mohamed Mouloudj