Le nombre de placements dans les Centres de rétention administrative (CRA) en France a fortement augmenté en 2017, relèvent six associations d'aide aux migrants (AssFam, Forum Réfugiés, France Terre d'asile, la Cimade, l'Ordre de Malte et Solidarité Mayotte). "Au cours de l'année dernière, 25 274 personnes de 140 nationalités différentes ont été placées dans les centres de rétention métropolitains en 2017, et 19 683 personnes, en outre-mer", précise le rapport, qui passe au crible 24 centres de rétention : statistiques précises, témoignages et spécificités locales. Plus de 3 000 Algériens ont été placés dans les centres de rétention administrative l'année dernière. 413 Algériens ont été enfermés au centre de rétention de Marseille, 515 à Paris-Vincennes, 350 à Mesnil-Amelot, 281 à Toulouse, 252 à Lille-Lesquin, 214 à Lyon-Saint-Exupéry... Les Algériens sont les plus nombreux en rétention, mais les Albanais sont les plus souvent expulsés. Les six associations intervenant en rétention constatent, dans leur 8e rapport commun, la continuité d'une politique de rétention dont les abus déjà signalés au cours des dernières années se sont encore amplifiés. "Malgré ces dérives, aucune remise en question du bien-fondé d'une pratique dont les coûts économiques et humains sont largement disproportionnés au regard des résultats obtenus ne se profile", note le rapport. Les six associations relèvent qu'après le meurtre dramatique de deux jeunes femmes le 1er octobre à Marseille par une personne en situation irrégulière, des instructions ont été données aux préfets par le ministère de l'Intérieur pour utiliser les pleines capacités des CRA. "La gestion politique de cet attentat a consisté à mettre une forte pression sur l'administration et a conduit à une explosion tous azimuts des placements, sans discernement, dans la plupart des centres de rétention", soutiennent les associations. Ces cinq dernières années, indique le rapport, le nombre de personnes enfermées en rétention est resté très élevé alors que le nombre d'exécutions des mesures d'éloignement demeure faible. "La finalité de l'enfermement interroge d'autant plus au regard des variations des taux d'éloignement selon les principales nationalités", estiment les associations. Les principaux pays de destination des expulsions en 2017 furent l'Albanie (21%), l'Algérie (11%), la Roumanie (9%) et le Maroc (7%). Cela ne signifie pas pour autant que l'enfermement est efficace pour ces quatre nationalités, puisque si 81% des Roumains et 75% des Albanais enfermés ont effectivement été éloignés, seuls 32% des Marocains et 34% des Algériens placés en CRA cette année ont été expulsés. "Plusieurs ressortissants de ces deux dernières nationalités ont donc subi un enfermement souvent abusif. Ce ratio d'éloignement pour les ressortissants afghans et irakiens s'élève respectivement à 23% et 9%", relève le rapport. Les associations appellent les pouvoirs publics à repenser fondamentalement l'usage actuel de la rétention. "Banalisée et détournée, la rétention est trop souvent inutile et déshumanisante à l'égard d'un public qui se trouve, de surcroît, de plus en plus criminalisé par sa situation administrative", dénoncent-elles. M. R.