Sachant qu'elle vend ses hydrocarbures en dollars et importe l'essentiel de ses marchandises en euros, l'Algérie perdra, forcément, au change et verra ses recettes baisser et le coût de ses importations renchérir. Dans sa guerre commerciale déclarée au nom de l'"America First", le président américain, Donald Trump, a ouvert plusieurs fronts, remettant en cause des accords bilatéraux conclus avec nombre de partenaires de son pays. Mais pas que. Donald Trump a fait exploser le G7, fait fi des règles de l'OMC et ne cesse de multiplier les mesures protectionnistes. Après le Canada et le Mexique, Donald Trump se lance dans une offensive sans précédent, en ayant dans son viseur les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis d'Amérique, dont l'Europe, la Chine et la Russie. Certains économistes sont allés jusqu'à annoncer l'avènement d'un nouvel ordre commercial mondial ; les rapports de force risquent de prendre le dessus et de ne profiter qu'aux plus puissants. Montée des sentiments nationalistes, régionalistes et populistes par-ci, multiplication des conflits commerciaux et des tentations protectionnistes par-là, la planète économique est en ébullition. Les puissants entrent dans l'arène, laissant entrevoir l'avènement, éventuellement, d'un cycle et la fin d'un autre. Si cette guerre commerciale venait à gagner en intensité, tous les Etats seraient forcément affectés, d'une manière ou d'une autre. L'Algérie n'est pas en reste. Les courroies principales de transmission de cette guerre commerciale sur l'Algérie sont le cours du pétrole et le cours du dollar. Comme ce fut le cas en 2008, du temps de la crise des subprimes qui avait mis à genoux les géants de la planète, un retournement de situation sur le marché pétrolier se traduira en Algérie par des conséquences pour le moins néfastes. Les responsables de l'époque criaient sur tous les toits l'immunité de l'Algérie garantie par sa déconnexion quasi totale des marchés financiers. La crise des subprimes a métastasé en affectant les marchés pétroliers. En 2009, les revenus de l'Algérie ont chuté de 50% et le gouvernement de l'époque tentait de construire une carapace par le moyen de quelques mesures protectionnistes. Le marché pétrolier n'est pas à l'abri d'une nouvelle crise. Avec les pressions exercées par Donald Trump, tantôt sur l'Opep en tant qu'organisation, tantôt sur certains de ses membres, dont l'Arabie saoudite, l'Iran et le Venezuela, l'on pourrait assister à la répétition d'un scénario déjà vu. La guerre commerciale que se livrent les poids lourds du commerce mondial ne fait que rajouter une couche à cette incertitude ambiante. Dans ce contexte, une rechute des prix du brut risque ainsi d'aggraver la situation, alors que les positions financières internes et externes de l'Algérie n'ont jamais été aussi fragiles. L'économie et les comptes publics portent toujours les stigmates du contrechoc pétrolier de juin 2014. L'autre risque pour l'Algérie pourrait provenir du cours du dollar par rapport aux monnaies dans lesquelles nous importons. L'Algérie vend ses hydrocarbures en dollars et importe l'essentiel de ses marchandises en euros. Par conséquent, si le billet vert venait à perdre de sa valeur, l'Algérie perdra forcément au change et verra la valeur de ses recettes baisser et le coût de ses importations renchérir. Les poussées inflationnistes risquent ainsi de ressurgir et de mettre les petites et moyennes bourses à rude épreuve. "Que vaudra le dollar si les Chinois déclenchent la guerre des monnaies ?", s'interroge Omar Berkouk, économiste et expert financier, contacté par Liberté. Pour lui, face à cette guerre commerciale à laquelle s'adonnent les grosses cylindrées du commerce mondial, notre équation est simple ; "Est-ce que nous pourrons toujours tirer des revenus suffisants de la vente de nos hydrocarbures en cas d'accentuation de la guerre commerciale ?" Pour Omar Berkouk, le danger vient du fait que nous n'avons qu'un produit à vendre pour vivre. "Ce produit est libellé dans une devise qui n'est pas la nôtre. Il est coté sur des bourses dont nous n'avons pas le contrôle", souligne-t-il, précisant que le défi consiste à maintenir la parité de notre pouvoir d'achat extérieur. Pour ainsi dire, le pays risque de subir, à nouveau, les effets d'une bataille qui n'est pas la sienne même s'il est resté, depuis toujours, à la marge du commerce mondial. Pour autant, l'aggravation des conflits n'est pas forcément le seul horizon même si l'on assiste éventuellement aux prémices d'un nouveau cycle. Ali Titouche