Face à l'escalade des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, la directrice générale du FMI a proposé "une plateforme pour dialoguer" et éviter ainsi une guerre commerciale qui serait préjudiciable à l'économie mondiale toute entière. "Les pays devraient travailler ensemble pour résoudre leurs différends sans avoir recours à des mesures exceptionnelles", en d'autres termes à des mesures unilatérales, a déclaré jeudi Christine Lagarde alors que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et le G20 entamaient leurs réunions de printemps. "Dans tous ces efforts, nous -- au sein du FMI -- (...) proposons une plateforme pour le dialogue et pour une meilleure coopération", a-t-elle ajouté, martelant que les gouvernements devaient "se tenir à l'écart de toutes mesures protectionnistes". "Le commerce ne fait pas partie des compétences du FMI mais celui-ci s'en empare pour mentionner les risques qui pèsent sur la croissance mondiale", a réagi une source européenne. Après avoir progressé de 3,8% en 2017, le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait accélérer à 3,9% en 2018 et en 2019, soit un rythme inchangé par rapport aux précédentes prévisions de janvier, avait mardi annoncé le FMI. Près de dix ans après le début de la récession mondiale, l'économie de la planète évolue dans une bonne dynamique grâce, en particulier, aux échanges de biens et de services dont le volume devrait s'accroître de 5,1% cette année après 4,9% en 2017. Mais ce sont ces mêmes échanges commerciaux qui pourraient assombrir plus vite que prévu l'économie de la planète.
Interconnexion Le président américain Donald Trump, qui continue de brandir son slogan "America First", "L'Amérique d'abord", multiplie en effet les annonces de mesures protectionnistes, pour défendre entreprises et travailleurs américains, quitte à mettre des coups de canif dans le libre-échange avec ses principaux partenaires commerciaux. Après avoir imposé le 8 mars des droits de douane de 25% sur les importations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium, l'administration Trump a dressé une liste provisoire de produits chinois représentant 50 milliards d'importations susceptibles d'être soumis à leur tour à de nouvelles taxes américaines pour compenser des pratiques commerciales jugées "déloyales". A Washington qui l'accuse d'imposer un "transfert forcé de technologies américaines" et de "vol de propriété intellectuelle", le géant asiatique a répliqué avec des représailles dans des proportions identiques visant les produits américains, ce qui a poussé Donald Trump à surenchérir en menaçant de viser pour 150 milliards de dollars d'importations chinoises. Le président américain menace par ailleurs toujours de sortir de l'accord de libre-échange nord-américain (Aléna), qui lie les Etats-Unis au Canada et au Mexique depuis 1994, si celui-ci n'était pas renégocié de manière satisfaisante. "Les investissements et le commerce sont deux moteurs cruciaux qui sont enfin en train de se redresser", a rappelé Christine Lagarde. Et une guerre commerciale ne serait pas "seulement dommageable pour deux pays", les Etats-Unis et la Chine, elle affecterait tous les pays parce que tout est "interconnecté", a-t-elle martelé, relevant des liens régionaux, interrégionaux, intercontinentaux. La responsable de l'institution de Washington a également estimé qu'il revenait à chaque pays de prendre des mesures pour réduire les barrières douanières.
Le commerce au menu de Macron et Trump Cette politique protectionniste risque de "miner la confiance" et de "faire dérailler prématurément la croissance mondiale", avait prévenu mardi le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld. Le libre-échange a non seulement contribué à une solide expansion des économies avancées mais a aussi permis aux pays émergents et aux pays pauvres "de faire d'incroyables avancées en matière d'éradication de la pauvreté", avait-il également argué. Jeudi, le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire a lui aussi estimé qu'une guerre commerciale est "une menace lourde" pour la croissance. "La guerre commerciale, ça veut dire des tarifs douaniers qui augmentent, ça veut dire des prix plus chers pour produire, ça veut dire une croissance qui ralentit, ça veut dire moins d'emplois, ça c'est un risque majeur", a-t-il réagi sur RMC et BFMTV. Le sujet sera abordé par les autorités françaises "la semaine prochaine" avec Washington, lors de la visite d'Etat d'Emmanuel Macron aux Etats-Unis, a-t-il également souligné. Outre les conflits commerciaux, le FMI a dressé une myriade de risques potentiels allant du vieillissement de la population dans les pays développés à l'endettement mondial record (164.000 milliards de dollars en 2016 soit près de 225% du PIB mondial).
Plus de de coordination pour les crypto-monnaies Le FMI a plaidé mercredi pour plus de coordination internationale au sujet des crypto-monnaies, ou crypto-actifs, soulignant que si ceux-ci ne représentaient pas pour l'instant un risque pour l'économie mondiale, la situation pourrait changer. "Nous avons le sentiment que la coopération entre les Etats est importante, étant donné que les investissements en crypto-actifs sont très mondialisés par nature", a affirmé Tobias Adrian, directeur du département du FMI pour les marchés monétaires et des capitaux lors d'une conférence de presse. "La coopération entre les Etats est donc importante", a-t-il insisté, à l'occasion de la présentation du rapport sur la stabilité monétaire mondiale du FMI, lors des réunions de printemps de l'institution financière. "Dans notre rapport, nous constatons que ce secteur reste assez petit pour l'instant et qu'il ne représente pas pour l'heure un risque important pour la stabilité financière, mais cela pourrait changer", a prévenu M. Adrian. "De sorte que la priorité pour les régulateurs doit être de rester vigilants et de vraiment comprendre ce qu'il se passe dans le domaine de la fintech et dans les nouvelles technologies", a ajouté le responsable du Fonds monétaire international. La directrice générale du FMI Christine Lagarde, avait estimé lundi, dans un article posté sur le blog de l'institution, que les gouvernements devraient garder "l'esprit ouvert" face aux crypto-actifs, tout en alertant sur le risque potentiel de bulle les concernant. Elle a estimé que son institution pourrait "offrir des conseils et servir de forum de discussion et de collaboration pour le développement d'une approche réglementaire solide". Le G20 Finances s'était emparé du sujet lors de sa réunion de mars à Buenos Aires, à la demande de la France et de l'Allemagne. Les ministres des Finances du G20 et les banquiers centraux ont appelé à cette occasion le Groupe d'action financière (Gafi) "à avancer dans l'application à l'échelon mondial" des standards qui s'appliquent à la finance en général pour éviter que leur anonymat permette des opérations de blanchiment, le financement du terrorisme ou encore de l'évasion fiscale.