Cet été, c'est un véritable raz-de-marée des émigrés de Bouzeguène vivant en France et partout en Europe qui ont décidé de revenir au bled pour passer leurs vacances dans leurs villages respectifs. Le charme des vacances d'été au terroir, l'amour de la terre natale et bien sûr la célébration de la fête de l'Aïd constituent, cette année, les raisons essentielles du retour massif des émigrés. La flambée dans l'échange de l'euro qui caracole au marché parallèle à plus de 200 dinars explique aussi ce retour en force des familles expatriées dont certaines n'ont pas revu leurs proches depuis plusieurs années. Bouzeguène, qui est l'une des régions de Kabylie à forte densité d'expatriés en France, renoue avec l'ambiance des retours massifs de ses enfants. Rien n'arrête ce retour au bercail pour ces familles qui n'ont, en réalité, jamais coupé le lien avec leurs villages ou leur terre nourricière. Les véhicules immatriculés en France circulant à Bouzeguène se comptent par centaines à telle enseigne qu'on se croirait à Marseille ou en banlieue parisienne. Il est vrai que la cherté du billet d'avion à destination de l'Algérie a forcé certains à renoncer à leurs vacances au bled. Pour les salariés, les vacances deviennent de plus en plus chères mais pour retrouver la famille, ce brin d'ambiance des fêtes familiales ou la fraîcheur des soirées villageoises sur les dalles de pierres de "tajmaat", la place centrale du village, cela valait la peine et le déplacement. "Pendant toute l'année, je comptais les jours pour le retour au pays car rien ne peut m'empêcher de revenir au bled pour me replonger dans la chaleur humaine de mon pays d'origine qui a ses particularités et qui m'est resté très cher", nous dit M. Younsi, un émigré du village de Houra. De son côté, Lynda, une jeune émigrée née en France, jubile à l'idée de retrouver sa grand-mère et ses tantes qui vivent dans les villages d'Ihitoussène et d'Ahrik. Le charme des vacances au bled et les virées enivrantes sur les plages au sable fin attirent ces estivants d'outre-mer surtout que ces voyages fréquents permettent aussi pour beaucoup d'entre eux de prendre le pouls d'un pays en perpétuel mouvement. La visite familiale s'installe comme un rite sacré car elle constitue un baume au cœur, un séjour de détente, un bain de soleil et pour certains, l'occasion de se recueillir sur la tombe des parents et des proches pour se rappeler les visages de ces êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Pour d'autres émigrés, c'est carrément joindre l'utile à l'agréable en profitant des vacances agrémentées de petites affaires bien rentables car en France, avec le même budget, ils ne pourraient pas se payer grand-chose. "L'argent dépensé au bled couvrirait à peine un mois de loyer et quelques achats pour remplir le frigo",reconnaît Idriss, un jeune émigré, parti il y a juste une dizaine d'années. "Ici, en Algérie, je ne me prive de rien", dit-il. De nombreux émigrés, hommes et femmes, avant leur retour en France, ne se privent pas de s'approvisionner en de nombreux produits de service, notamment des démodulateurs de réception satellite qui leur permettent de capter les chaînes cryptées sans débourser un euro, mais aussi des appareils électroniques et électroménagers, des cigarettes, des bijoux en or ou en argent, des effets vestimentaires, voire même des soins dentaires. Sans obligation de payement de douane. Les émigrés savent que le fait de dépenser l'euro en France, pendant les vacances, reviendrait plus cher que de le transférer et l'échanger au marché parallèle en Algérie. C'est dire que de la mère patrie au pays de l'immigration, c'est un dialogue bien émouvant qui se perpétue tout au long de l'année car entre le village d'origine et la communauté émigrée, il n'y a point de rupture et ce depuis la nuit des temps ! KAMEL NATH OUKACI