Les usagers dénoncent les factures salées, les incohérences en matière de tarification et la mauvaise gestion du recouvrement. Plusieurs foyers à Constantine ont reçu, dès la deuxième décade du mois de mai et par anticipation, les factures du deuxième trimestre 2005. Ce fait exceptionnel et grave s'ajoute à la surfacturation des notes, aux incohérences en matière de tarification et à la mauvaise gestion du recouvrement que ne cessent de dénoncer les usagers. Alors que les abonnés relevant du centre du Bardo ont reçu, le 8 mai dernier avec plus de deux mois de retards, les factures du 1er trimestre 2005 (janvier, février, mars), ceux du centre de Sidi Mabrouk ont reçu en date du 26 mai les factures du 2e trimestre (avril, mai, juin), deux mois avant la date d'échéance. Pour la même ADE, celle de Constantine en l'occurrence, un centre se permet de laisser l'argent de l'entreprise dormir chez les clients 60 jours alors qu'un autre prend la liberté de facturer et de recouvrer un chiffre d'affaires non réalisé et avant terme. Au centre de Sidi Mabrouk, situé au sein même de l'enceinte de l'annexe de l'APC, les abonnés, qui affluent pour acquitter leurs factures, sont dépités. Dans ce genre de situation, le citoyen se retourne contre tout ce qui symbolise l'Etat pour décrier la mauvaise gestion d'une entreprise. Mohamed ne décolère pas contre l'ADE : “Regarder l'état des lieux (une mini-décharge à l'intérieur de l'enceinte, ndlr), cela vous donne l'idée que se font ces employés du service public. Le 8 mai, j'ai reçu la facture du 1er trimestre que j'ai payée avant le 24 du mois. Le 26 du même mois, on m'envoie la facture du second trimestre que je dois payer avant le 10 juin. Parce que l'ADE méprise ses clients je dois payer en un mois deux factures et toutes les deux sont salées. C'est de la hogra que seuls le monopole et l'impunité permettent.” Un autre abonné enfonce le clou : “Le 3 avril dernier on a coupé mon branchement pour non-paiement d'une facture. Le jour même j'ai payé et on m'a promis un rétablissement dans les 24 heures. Durant 15 jours, je venais quotidiennement ici et, chaque fois, on portait mon nom et le numéro de mon compteur sur une feuille volante avec promesse de régler le problème le lendemain sans jamais voir mes doléances aboutir. J'ai fini par faire comme tout le monde en payant un extra.” Notre interlocuteur ne donnera pas plus de détails. Surfacturation Enfin, un troisième usager, une dame, retient difficilement sa colère : “Je viens juste de payer la dernière facture et je suis obligée de payer une autre facture aujourd'hui. On est des fonctionnaires et si la réglementation a retenu l'étalement sur trois mois, c'est bien pour quelque chose. Ils se moquent de nous. Mon compteur est à l'extérieur. Ils sont venus faire le relevé et malgré cela on m'a facturé plus de 30 m3 de plus. Le chef du centre est toujours absent et personne ne porte de badge, comme si on jouait à cache-cache !” Au centre du Bardo, en plein centre-ville, la colère est là aussi. Pour B., “toutes mes factures antérieures ont été payées à temps. Seulement, à chaque nouvelle facturation, l'ADE reproduit l'antérieur. Aux réclamations, la même réponse nous est donnée : payez et après réclamer.”Un autre enchaîne : “Selon leur logique, lors des prochaines échéances je ne payerai pas jusqu'à extinction de la quantité surfacturée. Or, dans l'actuelle facture surévaluée, que je suis obligé de payer, je débourse pour des consommations relatives à la deuxième et à la troisième tranche. Dans cette fausse facture, je suis appelé à payer des consommations à 11,70 DA et même 19,80 DA au lieu de moins de 4 DA le mètre cube. Donc, l'arnaque n'est pas dans les unités consommées mais dans la valeur à payer. Comme s'ils n'avaient pas de comptables. Et encore, comment vont-ils justifier de tels écarts ?” Mauvaise gestion Au centre de Zouaghi, un autre usager, dont l'affaire est, selon lui, pendante devant les tribunaux, dénonce carrément la hogra. “J'ai vendu ma maison en août 2000 avec acte notarié. En 2004, j'ai reçu une mise en demeure de l'ADE pour paiement des arriérés. Je leur ai présenté l'attestation de vente avec les coordonnées du nouveau propriétaire tout en acceptant de payer avec échéancier l'antérieur à la date de la vente. J'ai payé la première tranche. Seulement, le nouvel occupant n'a jamais été invité à payer sa part. Et on continue de me harceler”, précise-t-il. Comme pour justifier ses dires, il exhibe une copie du règlement intérieur de l'ex-EPECO. Dans son article 6, paragraphe B, il est stipulé qu'“en cas de mutation non portée aux services des eaux dans les 10 jours suivant la transaction, le nouveau titulaire sera tenu responsable du paiement des sommes dues au titre de l'abonnement initial, quitte pour lui de se retourner contre l'ancien abonné par toute voie de droit”. Si dans certaines villes des émeutes ont éclaté à cause de la pénurie d'eau, il est désolant que même en situation d'abondance la crise persiste à cause de la gestion incohérente qui se répercute sur l'image des symboles de l'Etat. Le gouvernement est en train d'appliquer sur le produit eau la vérité des prix. D'où l'usager devient regardant sur sa facture. Reste que sans la maîtrise du management de la part de l'ADE et sans une autorité de régulation pour ramener les entreprises défaillantes à l'ordre, seul le service public en pâtira. Tous les experts le diront. Sans concurrence, à la place de la vérité des prix, les détenteurs du monopole appliqueront des tarifications supportant les coûts de la mauvaise gestion. Mourad KEZZAR