Les oncologues ont convenu de demander au chef de l'Etat d'ordonner l'approvisionnement des hôpitaux en traitements enregistrés en janvier 2018. Le professeur Kamel Bouzid, président de la Société algérienne d'oncologie médicale (Saom) et chef de service éponyme au Centre Pierre-et-Marie-Curie (CPMC), n'y va pas par quatre chemins pour situer les responsabilités dans ce qu'il considère comme blocage, purement et simplement, des thérapeutiques innovantes, qui ont obtenu l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) les 7 et 17 janvier 2018. "Il s'agit d'une vingtaine de médicaments, dont l'immunothérapie et la thérapie ciblée, incontournables pour le mélanome malin et pour les cancers du poumon métastatique, du rein et de la vessie. Elles sont indiquées pour 8 autres cancers", explique-t-il, poursuivant que "nul n'est compétent pour juger du service médical rendu d'un médicament à part les spécialistes, c'est-à-dire les oncologues dans ce cas-là. L'immunothérapie est validée, depuis 5 ans, aux Etats-Unis et en Europe. Elle augmente sensiblement la survie des patients atteints de cancer du poumon métastatique". Il épingle, au passage, le directeur de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) qui a affirmé, dans un article paru dans l'édition de Liberté du 13 septembre, qu'il n'y a pas assez de recul pour attester de l'efficacité de ces traitements. À ce titre, le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a requis un suivi rigoureux des malades auxquels sont prescrits ces médicaments et a exigé la désignation de services d'oncologie de référence habilités à les utiliser. "Cela fait trois mois que le ministère de tutelle parle d'identifier les services de référence. Qu'il le fasse, si ça l'amuse, mais vite", a suggéré le professeur Bouzid. Il relève que le temps qui passe fait perdre aux patients des chances de subir des traitements qui réduiraient leurs souffrances et rallongeraient considérablement leur vie. "Il faut une volonté politique très forte pour débloquer la situation. Nous estimons que le ministre de la Santé n'a aucun pouvoir, sinon, il aurait déjà agi. Les oncologues se sont réunis vendredi dernier pour convenir d'un plan d'action. Ils ont décidé de s'en remettre directement et publiquement au président de la République." "Si la disponibilité de ces innovations bute sur une contrainte financière, qu'il ordonne l'allocation du budget s'il a à cœur la santé des Algériens", assène le président de la Saom. "Nous avons établi nos prévisions et avons demandé aux pharmaciens hospitaliers de préparer les bons de commande. Ils ont été faits entre le 20 janvier et le 15 février, et transmis à la PCH. La Pharmacie centrale a estimé que ces traitements sont trop chers. Elle a exigé un engagement financier des directeurs des établissements hospitaliers. Ils l'ont remis. À ce jour, la situation est bloquée", rappelle-t-il. "C'est clair qu'ils ne sont pas budgétisés. Je subodore qu'ils ont été enregistrés en janvier justement à cette fin. Cela fait huit ans qu'on les attend", confirme-t-il. Il bat aussitôt en brèche l'argument du directeur général de la PCH, portant sur le coût élevé de ces traitements, soit 2 600 euros la boîte. "L'argument du coût est fallacieux. En 2006, avec mon collègue d'Oran, nous avons obtenu un médicament qui coûte 6 000 euros le mois de cure. Le traitement a duré dix ans, soit plus de 700 000 euros", rapporte le praticien. Il souligne que l'accès aux soins est un droit constitutionnel. Sauf que si la situation reste en l'état, ce sont les personnes atteintes de cancers, démunies, qui en pâtiront. "Nous avons des patients sous immunothérapie avec des médicaments importés de Turquie ou d'Europe dans des cabas. Le traitement coûte environ 60 000 euros. Des cliniques privées ont aussi décidé de le fournir à leurs malades", témoigne le professeur Bouzid. Souhila H.