On ne peut qu'être perplexe face à la situation économique de l'Algérie. La stabilisation macroéconomique est assurée. L'inflation est maîtrisée, les équilibres financiers intérieurs et extérieurs sont réalisés, le niveau des réserves de change est au plus haut niveau depuis l'indépendance. Le stock de la dette extérieure est en baisse et le ratio du service de la dette est tombé à des niveaux acceptables. Avec des prix de pétrole autour de 18 dollars américains, la balance des paiements est viable pour au moins une décennie. Mais alors que les conditions de stabilisation macroéconomiques nécessaires à la relance économique sont mieux réunies que jamais, la construction d'une économie compétitive et une croissance forte et durable ne sont pas au rendez-vous. Au contraire, il y a une approche très naïve des questions économiques. C'est une situation préjudiciable. Il y a un danger de récession au moment où la situation financière du pays est florissante. La transition économique inachevée fait perdurer la crise sociale qui se manifeste par la détresse de la jeunesse, le chômage, la pénurie de logements, la faiblesse de la qualité des services sociaux de base : éducation, santé, salubrité, urbanisation. La population, surtout jeune, aspire à calmer l'angoisse que lui impose l'austérité, qu'elle juge mal distribuée, d'autant que cette jeunesse est fortement attirée par les images d'opulence que lui présentent quotidiennement les différentes chaînes de télévision captées sur l'ensemble du territoire. C'est le rêve du bateau vers l'Australie ! Les moins de trente ans représentent plus de 80% de la population au chômage. Cette population au chômage est de plus en plus formée, puisque le chômage touche la grande majorité des finissants de l'enseignement supérieur et les personnes compressées à la suite de la liquidation ou de la restructuration des entreprises publiques. Aujourd'hui, la probabilité de trouver un emploi pour un universitaire est presque nulle. C'est une situation extrêmement préjudiciable pour la stabilité du pays. La crise du logement devient de plus en plus insoutenable. Malgré un niveau global élevé des dépenses publiques et la disponibilité d'infrastructures appréciables, la qualité des services sociaux fournis à la population reste très décevante, particulièrement au niveau de la santé et de l'éducation. Bien qu'elles soient indispensables, les réformes économiques s'accompagnent, pendant un certain temps, d'une dégradation du niveau de vie. Malgré des efforts notables, les filets sociaux mis en place n'arrivent pas à amortir les effets négatifs des réformes, principalement à cause de la mauvaise gestion au niveau des collectivités locales. Il y a un besoin de diagnostiquer le système de filet social actuel et de l'organiser pour un meilleur ciblage des populations concernées et lui assurer une plus grande efficacité parce que l'expérience a mis en lumière un certain nombre d'insuffisances, notamment la faiblesse des mécanismes de ciblage, l'absence ou la faiblesse du système de contrôle et de suivi, la confusion dans les critères de choix de populations ciblées entre dispositifs de création d'entreprises, dispositifs de création d'emplois et actions de solidarité, la faiblesse des résultats au regard des moyens mis en œuvre. Avec l'augmentation des recettes fiscales, suite à l'augmentation des prix du pétrole et la dévaluation rampante du dinar, la population va devenir de plus en plus impatiente. Il faut s'attendre à la manifestation de cette impatience par des démonstrations de force. Que faire ? Je vais essayer de proposer des directions de réflexion à partir de la définition du développement économique. Le développement économique c'est : (I) la croissance économique soutenue ; chez nous cela signifie un taux de croissance supérieur à 8% par an, en termes réels, sans l'intervention du financement de l'Etat dans le secteur productif, parce que l'Etat fait face à une demande sociale grandissante ; mais les conditions nécessaires pour réaliser cette relance sont réunies : la stabilisation macroéconomique est là, les ressources humaines et naturelles sont là. (II) la croissance économique doit être accompagnée d'un changement structurel dans le modèle de production, c'est-à-dire aller plus loin dans la pétrochimie, le tourisme, I'agriculture dans une stratégie de sécurité alimentaire, I'industrie en partenariat avec l'Europe, les B.T.P. en faisant confiance aux entreprises algériennes, aux infrastructures et à la technologie de diffusion du savoir. Globalement, aller vers plus de valeur ajoutée et vers les services. (III) la croissance économique est également accompagnée par un changement structurel dans les institutions économiques et politiques : (a) les institutions économiques : secteur financier, infrastructures économiques, administration (administration aux frontières, justice, administrations locales) ; (b) les institutions politiques, c'est le partenariat entre le gouvernement, le marché, la société civile. (IV) La croissance économique doit être accompagnée par une amélioration généralisée du niveau de vie : éducation, santé, protection des groupes les plus vulnérables. À jeudi prochain pour une autre question ; entre-temps, travaillons toutes et tous à élargir la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.