Des associations anticolonialistes et de lutte contre le racisme, des syndicats et des partis politiques de gauche demandent au président français de confirmer, comme dans l'affaire Maurice Audin, la responsabilité de l'Etat dans les massacres. Comme chaque année, des rassemblements se tiendront aujourd'hui pour commémorer les massacres du 17 Octobre 1961. Elles auront lieu à Paris mais également dans d'autres villes de France. À Besançon, près de la frontière suisse, plusieurs personnes devront se réunir sur le pont Battant et jeter des fleurs dans le Doubs en souvenir des manifestants morts dans la seine. Dans la capitale française, le rendez-vous est pris ce matin, sur le pont Saint-Michel où une plaque est apposée pour rappeler le martyre des Algériens qui ont été noyés dans le fleuve par la police du préfet Maurice Papon il y a 57 ans et avec l'aval du gouvernement de l'époque. L'ambassadeur de France à Paris, Abdelkader Mesdoua, la maire de Paris, Anne Hidalgo ainsi que de nombreuses autres personnalités prendront part à la cérémonie. Aujourd'hui encore, le combat pour la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans les massacres continue. Des organisations anticolonialistes à l'instar de l'association Maurice-Audin, et de lutte contre le racisme, des syndicats ainsi que des partis politiques de gauche comme le parti communiste et les écologistes viennent d'adresser un appel au président Emmanuel Macron, lui demandant "de confirmer — comme il l'a fait en septembre dernier pour Maurice Audin — par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation d'un crime d'Etat". "Nous demandons une parole claire aux autorités de la République, au moment où certains osent encore aujourd'hui continuer à parler des bienfaits de la colonisation, à célébrer le putsch des généraux à Alger contre la République et à honorer les criminels de l'OAS", réclament les signataires de l'appel. Restituant le contexte dans lequel les massacres du 17 Octobre 1961 se sont produits, ils rappellent que des dizaines de milliers d'Algériens avaient manifesté à Paris contre le couvre-feu que leur avaient imposé le préfet Papon et le chef du gouvernement de l'époque, Michel Debré. Une répression violente s'est abattue sur les manifestants. Des milliers sont arrêtés, emprisonnés, torturés – notamment par la force de police auxiliaire et d'autres refoulés en Algérie. Le reste a été battu à mort et jeté dans la Seine. Les signataires l'appel du 17 Octobre 1961 soulignent la "violence et la brutalité extrêmes des forces de police". 57 ans après les faits, les chiffres concernant le nombre des disparitions restent imprécis. L'historien Jean-Luc Einaudi a dans son livre La bataille de Paris, paru en 1991, retracé ce qui s'est passé pendant la fameuse nuit du 17 Octobre. Il avait d'ailleurs confondu publiquement Maurice Papon, lors du procès qui lui a été intenté en 1998 pour sa collaboration avec le régime nazi. Depuis, d'autres travaux très documentés ont levé le voile un peu plus sur les massacres. En 2012, l'ex-président Francois Hollande a bien reconnu l'existence d'une "sanglante répression". Il a également compati à la douleur des victimes. Mais il s'est gardé pour autant d'évoquer un crime d'Etat. La même année, le Sénat, sous l'impulsion d'un groupe de personnalités, avait adopté le principe d'un lieu de mémoire pour les victimes des massacres. Ce projet n'a toutefois pas encore vu le jour. Dans leur appel au président Macron, l'Association Maurice-Audin et les autres demandent aux parties concernées par la mise de œuvre de cette résolution (l'Etat, la ville de Paris et la région d'Île de France) de faire le nécessaire. Pour eux, la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat dans les massacres et la réhabilitation du statut des victimes est très importante. "Ce n'est qu'à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d'Algérie, à savoir le racisme, l'islamophobie dont sont victimes aujourd'hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d'origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières", font savoir les signataires. De Paris : Samia Lokmane-Khelil