"Je suis choqué par les images montrées en boucle par une chaîne de télévision privée (Ennahar, ndlr) autant que les familles des personnes mises en détention", nous a déclaré, hier Me Amine Sidhoum, avocat de la défense des journalistes Abdou Semmar, Marwane Boudiab (Algeriepart) et Adnane Mellah (Dzaïrpresse). Le média d'information continue, dont le président-directeur général, Anis Rahmani, est partie plaignante contre deux journalistes poursuivis pour diffamation, et le troisième pour outrage aux institutions et atteinte à la vie privée, a diffusé, toute la journée de jeudi et vendredi matin, en boucle, des images les montrant sortir du tribunal menottés. Au-delà, les présentateurs de la chaîne se sont relayés pour émettre des commentaires durs les incriminant carrément, ne laissant planer aucun doute quant à leur culpabilité. "Ce média les a déjà condamnés. Nous n'avons donc plus besoin ni de juges ni d'avocats", s'est soulevé notre interlocuteur, précisant que le principe de la présomption d'innocence est ainsi violé. "Les services de sécurité auraient pu prendre des mesures pour ne pas exposer les mis en cause au public et aux chaînes de télévision", a relancé l'avocat de la défense. "Nous revenons aux années 90 lorsque l'on montrait les islamistes arrêtés devant les tribunaux", a-t-il ajouté, regrettant une campagne de dénigrement et l'atteinte à la vie privée dont sont victimes ses clients. Selon lui, il est troublant qu'un média audiovisuel rende publics des secrets de l'enquête préliminaire avant la comparution des mis en cause devant le juge d'instruction et surtout avant que les avocats de la défense ne disposent du dossier de fond. "Nous respectons la liberté d'expression et de la presse, mais pas celle de donner de fausses informations ou de porter atteinte à la liberté d'autrui", a-t-il estimé. Il s'est demandé alors pour quelles raisons l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) garde-t-elle le silence devant les dépassements commis par les chaînes de télévision privées, particulièrement ? Les familles d'Abdou Semmar, d'Adnane Mellah, de Marwane Boudiab, de Kamel Bouakaz (comédien) et de Fodil Dob (ancien footballeur) vont-elles porter plainte contre le média pour diffamation et atteinte à la dignité ? "Le collectif de défense se concerte à ce propos", a indiqué Me Sidhoum. Quatre avocats se sont constitués pour défendre Adnane Mellah et dix pour Abdou Semmar. Souhila H.