"Il n'y aura aucun salut en dehors de l'action collective et de la recherche de l'intérêt général, c'est une leçon de l'histoire", a affirmé le président du RCD. Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, a brossé, hier, un tableau noir de la situation générale du pays, laquelle nous renseigne, selon lui, sur "l'échec et l'incapacité du système Bouteflika, en 20 ans de règne, à transformer le système de formation algérien pour le rendre attractif pour la jeunesse et préparer les cadres appelés à prendre les destinées du pays dans l'avenir". Intervenant, à l'ouverture du campus des jeunes progressistes du RCD, qui se tient au centre de vacances "Anissa Tours" de Souk El-Tenine, à l'est de Béjaïa, M. Belabbas soutiendra, d'emblée, que "ces rencontres sont importantes, parce qu'elles permettent de préparer la prochaine génération de dirigeants politiques. Celle qui prendra le relais de nos combats et de nos luttes, mais aussi celle qui insufflera l'enthousiasme et l'espoir d'un meilleur avenir". Avant d'ajouter que "ce campus des jeunes est un moment d'échanges libres et francs pour porter dans le débat public des problématiques structurantes et l'occasion pour nos jeunes d'acquérir ou de parfaire les instruments indispensables pour fructifier leur engagement militant en faveur du progrès et de la modernité". "Les combats que nous menons ensemble et ceux qui vous attendent seront vains sans cet armement politique pour convaincre et construire le rapport de force pour la construction d'une Algérie démocratique et solidaire", a-t-il poursuivi. S'adressant à une assistance nombreuse, composée majoritairement de jeunes cadres et militants du parti, le premier responsable du RCD déplorera : "J'aurais aimé, bien évidemment, commencer mon discours par des propos optimistes sur la situation du pays et les perspectives attendues. Mais les drames que subissent les jeunes sont d'une acuité qui suscite d'abord la colère." Il citera, à ce titre, l'exemple des candidats à l'émigration clandestine, en affirmant que "ces derniers jours, la presse espagnole rapporte que les gardes-côtes de la péninsule ibérique sont débordés par l'arrivée quasi quotidienne et massive de harragas algériens sur des embarcations de fortune qui s'échouent sur le rivage à Murcie. Une cinquantaine de ce type d'embarcation durant la première quinzaine de ce mois sans compter celles qui ont été interceptées en mer par les unités de l'Armée algérienne". Un autre phénomène migratoire soulevé par l'orateur, le départ massif des étudiants algériens pour poursuivre leur cursus universitaire à l'étranger. Se référant aux nouvelles données publiées par Campus France, M. Belabbas affirmera que "le nombre d'étudiants algériens qui s'inscrivent aux universités françaises ne cesse d'augmenter d'année en année. En effet, avec un nombre de 30 521 étudiants, contre 26 116 en 2017, les jeunes universitaires algériens en France représentent près de 10% du nombre global des étudiants étrangers". L'orateur regrettera, à cet effet, que "le pays continue ainsi de se vider de sa substance pendant que le pouvoir ressasse ses chiffres surréalistes sur les réalisations du gouvernement". Cependant, poursuit-il, une chose est bien vérifiable : malgré le nombre sans cesse croissant de ceux qui partent ou qui fuient, ceux qui restent sont au chômage à hauteur de 30%, selon les données officielles. "S'il faut un bilan de ces 20 dernières années, ce tableau est à lui seul suffisant", a-t-il souligné. Mise à mal des ressorts de la société Par ailleurs, le président du RCD relève "la faillite du système de santé" qui est, selon lui, "visible de tous". "Aucun hôpital digne de ce nom n'a été construit durant ces 20 dernières années et les hôpitaux construits durant la colonisation ou ceux construits sous le règne de Chadli Bendjedid sont aujourd'hui dans un état de délabrement avancé avec un volume et une qualité des soins qui ont largement régressé", a-t-il déploré. Il y a aussi, d'après lui, l'échec du système judiciaire, d'abord à cause de "l'absence d'autonomie de la justice qui a déteint sur toute la vie du secteur". Afin d'étayer ses propos, il évoquera le nombre important de crimes non résolus, d'affaires judiciaires non élucidées, à l'image des affaires Khalifa, Sonatrach ou de l'autoroute Est-Ouest, du nombre important de détenus, de l'abus de la détention provisoire, du nombre important de personnes qui croupissent dans les prisons, sans aucun jugement à ce jour, à l'image du journaliste Saïd Chitour dont la vie est en danger, de l'autosaisine à la carte épargnant systématiquement les suppôts du système. "Ce ne sont pas des fatalités, mais le résultat d'une politique", a-t-il martelé. Sur le plan économique, M. Belabbas pointe du doigt "la persistance d'un système bancaire archaïque qui décourage l'épargne des citoyens et les transactions bancaires sans oublier l'échec des banques privées". "En un mot, si notre agriculture ne nous nourrit pas, si nos usines sont qualifiées de quincaillerie, si nos villes sont sales, si les touristes nous boudent et si notre économie est réfractaire à l'usage des nouvelles technologies, c'est le résultat d'une politique de gestion de la rente au profit du maintien d'un système de privilèges et d'assistanats antinomique avec la planification, la liberté d'entreprendre et la rétribution du mérite", s'est-il indigné. Le chef de file du RCD se dit persuadé que "nos enfants et l'avenir de notre pays nécessitent un redressement qui inclut la construction d'une économiequi fait de la croissance, qui crée des emplois, qui assure les qualifications et qui protège le citoyen". Selon lui, en plus des conditions matérielles précaires faites aux larges couches sociales, "le règne de Bouteflika a mis à mal les ressorts de notre société, par l'usage immodéré de la rente et de l'achat des consciences". À ceux qui s'interrogent sur le 5e mandat et à ceux qui suggèrent le retrait ou le renoncement à l'action militante et à l'action politique au motif qu'il n'y a rien à faire ou que tout est verrouillé, M. Belabbas dira qu'"il ne s'agit pas de répondre à de telles questions car la seule question qui vaille est de savoir si nous aurons le courage d'agir et de réunir les moyens et les forces de façon collective avant que ce ne soit trop tard. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une mobilisation solidaire de tous les patriotes algériens, car c'est ce que l'ampleur du défi exige. Si nous arrivons à surmonter les peurs et les réticences pour unir nos forces, nous pouvons alors jeter les bases de la construction d'un avenir de progrès pour votre génération". Pour l'intervenant, il n'y aura aucun salut en dehors de l'action collective et de la recherche de l'intérêt général, c'est une leçon de l'histoire. Revenant sur les "purges" opérées dans le commandement de l'Armée et de la police, la reconfiguration des dispositifs humains à la tête d'institutions névralgiques comme l'Assemblée nationale, Mohcine Belabbas n'exclut pas l'existence d'une "volonté, pour ne pas dire un scénario, pour préparer les conditions d'une autre reprise en main avant ou après l'échéance présidentielle du début de 2019". Notons, enfin, que pas moins de 700 jeunes militants du RCD, issus d'une trentaine de wilayas, prennent part à ce regroupement qui clôturera ses travaux cet après-midi. KAMAL OUHNIA