Les prix ont amorcé une tendance à la baisse ces derniers jours. Le baril de Brent de la mer du Nord, la variété référence pour l'Algérie, était coté hier à 59 dollars, soit en baisse de 25% par rapport à début octobre dernier et 6% par rapport aux cours de l'an dernier. La chute des prix du brut a pour origine une surabondance de l'offre mondiale et une anticipation des marchés pétroliers suivant laquelle l'année 2019 sera marquée par une baisse de la croissance économique mondiale entraînant une diminution de la demande sur le pétrole, induisant de facto un effondrement des prix. Dans ce scénario des prix du pétrole entre 50 et 60 dollars en 2019, il reste à savoir quelles sont les marges de manœuvre du gouvernement Ouyahia. La réponse est claire : elles sont très limitées. Si les cours se maintiennent à ce niveau l'an prochain, le gouvernement va recourir de manière intensive à la planche à billets pour réduire le déficit budgétaire. Il compte imprimer l'équivalent de 1 800 milliards de dinars, selon la déclaration récente du ministre des Finances, soit environ 15 milliards de dollars. Cette solution a, selon plusieurs experts, des répercussions inflationnistes. En un mot, elle conduit à une hausse significative des prix des produits de large consommation. Selon des sources officielles, la Banque d'Algérie n'a pas fait fonctionner la planche à billets le second semestre 2018, en raison d'une amélioration des rentrées en devises due à des prix du pétrole dépassant les 70 dollars. Selon ces experts, ces effets négatifs de la planche à billets seraient neutralisés par la mise en œuvre des réformes structurelles. Or, le gouvernement ne compte pas les accélérer à quelques mois de la présidentielle. En effet, l'Algérie s'apprête à connaître une période d'au moins six mois de gestion courante des affaires du pays, c'est-à-dire sans grandes décisions et actions économiques. En raison de cette échéance, il ne compte pas toucher au budget qui prévoit une augmentation et non une rationalisation des dépenses publiques, encore moins aux taxes pour réduire le déficit. En d'autres termes, cette politique vise à préserver la paix sociale à la veille de l'élection présidentielle. Mais la question est de savoir si cette chute des prix du pétrole va s'étaler dans le temps et aggraver la situation financière du pays. Il est difficile de se prononcer aujourd'hui. Les signaux envoyés aux marchés pétroliers s'avèrent contradictoires. Du coup, une grande incertitude pèse sur l'évolution des prix à court terme à deux semaines de la réunion de l'Opep qui se tiendra le 6 décembre à Vienne. D'une part, selon une source proche de l'organisation, les pays de l'Opep sont parvenus à un accord de principe pour réduire de 1 million de barils/jour leur production à partir de janvier prochain. Pour Patrick Pouyanné, P-DG de Total, cité hier par la presse française, la coupe qui sera opérée par l'Opep sera très importante. En outre, des analystes du marché relèvent que l'affaire Khashoggi pourrait fragiliser la souveraineté de l'Arabie saoudite dans sa prise de décision au sein de l'Opep, et donc empêcher un consensus sur une décision de réduire de façon significative la production de l'Opep de façon à inverser la tendance actuelle en matière de prix du pétrole. Les marchés sont aujourd'hui en attente des résultats de cette réunion. En attendant, il convient de noter la passivité du gouvernement face à l'urgence d'appliquer des remèdes efficaces à court terme et qui n'ont pas un coût social, préconisés par maints spécialistes : meilleure appréhension de l'assiette fiscale, meilleure collecte de l'impôt, produits financiers attractifs en direction de la diaspora et des investisseurs internationaux, mise en œuvre de la loi sur les normes, amélioration du climat des affaires… K. Remouche