Comme dans l'affaire des équipements destinés à l'usine de trituration de graines oléagineuses prévue à Béjaïa, des "mains invisibles" agissent en dehors des institutions de l'Etat. Elles viennent de franchir dangereusement un cap, puisqu'elles empêchent l'exécution d'une décision "exécutoire" rendue par la justice algérienne. La "main invisible" qui bloque les projets de Cevital sévit à nouveau. Elle étend son action à d'autres projets du groupe et permet à une institution de l'Etat, à savoir la Direction générale des douanes, de refuser d'appliquer une décision de la justice algérienne. La filiale EvCon Industry du groupe Cevital, spécialisée dans la production d'eau ultra pure, n'a pas pu démarrer ses projets en Algérie à cause du blocage de ses machines par les autorités des douanes du port d'Alger. Une presse pour plaques sandwich est bloquée au port sec de Boudouaou depuis le mois de juillet dernier. Les autorités des douanes ont refusé de débloquer la situation sous prétexte que la machine a été surévaluée. Mais la désignation d'experts a démontré qu'il n'en est rien et que la société EvCon Industry est dans son droit. C'est ce que précise un jugement exécutoire rendu le 27 novembre dernier par le tribunal de Boudouaou, dans la wilaya de Boumerdès. La juge a ordonné, dans ce jugement, d'obliger "l'administration de la douane (…) à finaliser les procédures de dédouanement de la marchandise importée par la partie demanderesse, la société par actions EvCon Industry (…), qui est une presse pour plaques sandwich DL 2 300 A5 qui se trouve au port sec Atlantic domicilié au quartier Ben Ajal, commune de Boudouaou (Boumerdès), et la restituer immédiatement à la demanderesse, sans conditions ni restrictions, tout en l'exemptant de tous les frais liés à son séjour au niveau des entrepôts de la défenderesse qui assume également les frais de justice". La décision de la justice a été suivie d'une "grosse" émanant du même tribunal ordonnant l'exécution du jugement prononcé par la même instance. Mais, à la surprise des responsables d'EvCon Industry, la Direction générale des douanes a refusé d'exécuter le jugement. Pourquoi ? Les responsables expliquent leur geste par leur volonté de "faire appel". Or, une volonté ou une intention de faire appel ne peut, en réalité, remettre en cause l'exécution du jugement prononcé par le tribunal. L'appel pouvant, le cas échéant, être introduit a posteriori. Mais comme dans l'affaire des équipements destinés à l'usine de trituration de graines oléagineuses prévue à Béjaïa, des "mains invisibles", dénoncées par Issad Rebrab dans une récente intervention médiatique, agissent en dehors des institutions de l'Etat, voire envers celles-ci. Elles viennent de franchir dangereusement un cap, puisqu'elles empêchent l'exécution d'une décision "exécutoire" solennellement rendue par la justice algérienne. Pourtant, avant d'arriver à ce jugement, la justice a dû désigner successivement trois experts pour justifier le prix de la presse importée par EvCon Industry. Selon un des experts désignés, il s'agit d'une "machine unique en son genre, il n'existe aucune machine semblable, ni sur le marché national ni sur le marché mondial, étant un prototype fabriqué spécifiquement et exclusivement pour la demanderesse après avoir obtenu des brevets et avec la participation de plusieurs pays européens ; elle comporte également une technologie supérieure et propre, susceptible de garantir le développement durable consacré dans le code de protection de l'environnement, dans le cadre du développement durable 10/03 en date du 19/07/2003, ce qui justifie le prix déclaré par la demanderesse", selon l'exposé établi par la justice. Ce nouvel épisode confirme, en effet, que le projet de construction d'une usine de trituration de graines oléagineuses n'est pas le seul projet de Cevital à être bloqué par les autorités. La Coordination des comités de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques avait, d'ailleurs, tiré la sonnette d'alarme et énuméré au moins six projets importants que le groupe industriel compte réaliser, mais qui risquent d'être compromis à cause de cette "main invisible" dont nul ne peut, à présent, nier l'existence. Ce nouveau blocage va à contresens des déclarations des autorités qui affirment encourager l'investissement pour créer une alternative aux hydrocarbures. Surtout que le projet présenté récemment par le groupe Cevital est révolutionnaire. Il permettra à l'Algérie de détenir une technologie unique dans le monde, chose qui permettra d'augmenter et de diversifier nos exportations. Cette technologie, qui consiste à fabriquer des membranes pour la production d'eau ultra pure, peut générer des exportations de 15 milliards d'euros par an dans un premier temps. Une première usine est déjà installée en France, en attendant la concrétisation de la plus grande partie du projet prévue en Algérie. Ali Boukhlef