Le président américain semble désormais être un des rares à croire que le prince héritier saoudien n'est pas impliqué dans l'assassinat de Jamal Khashoggi. La présentation mardi soir à huis clos au Congrès du rapport de la directrice de la CIA sur le meurtre du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, à l'intérieur du consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul, le 2 octobre dernier, ne laisse plus de place au doute chez des sénateurs américains quant à l'implication directe de Mohamed Ben Salmane (MBS) dans cette affaire. "Je n'ai aucun doute sur le fait que le prince héritier a ordonné le meurtre et a été maintenu au courant de la situation tout le long", a déclaré à des journalistes Bob Corker en sortant de la réunion avec Gina Haspel, la directrice de la CIA. Il s'agit du chef de la puissante commission des affaires étrangères du Sénat américain. De son côté, Lindsey Graham, pourtant connu pour être un allié du président Donald Trump au Sénat, a confirmé penser que "le prince héritier saoudien était complice du meurtre de Jamal Khashoggi au plus haut niveau possible". Même son de cloche chez plusieurs sénateurs démocrates, qui ont abondé en ce sens. Voilà des positions qui contredisent directement le président américain, lequel avait déclaré que le service de renseignement n'avait "rien trouvé d'absolument certain" et avait réaffirmé l'alliance inébranlable entre Washington et Riyad. Tout en reconnaissant l'importance de l'Arabie Saoudite pour les Etats-Unis, notamment face à l'Iran, Bob Corker et Lindsey Graham ont indiqué qu'aucun d'eux n'est prêt pour autant à fermer les yeux. "L'Arabie Saoudite est un allié stratégique et cette relation vaut la peine d'être sauvée, mais pas à tout prix", a martelé Lindsey Graham, avant d'ajouter : "Notre position dans le monde et notre sécurité nationale seront plus affectées si nous ignorons MBS que si nous nous occupons de lui." Sur un ton très virulent, le sénateur a lancé que "Mohammed Ben Salmane est fou, il est dangereux, et il a mis cette relation en danger, car il n'est pas fiable". À noter que quelques sénateurs seulement avaient été conviés à cette rencontre avec Gina Haspel, parmi lesquels les chefs républicain et démocrate du Sénat, ainsi que les responsables des commissions liées aux questions de sécurité. La réunion était très attendue par les parlementaires, qui s'étaient indignés la semaine dernière lorsque la directrice de la CIA n'avait pas répondu à leur invitation. Les sénateurs avaient alors riposté avec un sévère coup de semonce en direction de Riyad, passant outre la position de la Maison-Blanche. Une résolution pour cesser tout soutien militaire à l'Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen avait franchi avec une nette majorité, le 28 novembre, lors d'un premier vote au Sénat. Mais son approbation définitive reste incertaine et dépendra notamment des actions de l'administration Trump face aux dirigeants saoudiens. "Il serait plus simple que le gouvernement s'exprime directement, que de trouver un texte de consensus", a souligné Bob Corker, qui réserve son vote sur la résolution. "La loi est un objet tranchant qui est beaucoup plus difficile à équilibrer parfaitement, mais c'est ce que nous devons faire puisque l'administration n'a pas, jusqu'à maintenant, adressé la question de façon appropriée." "Les sénateurs travaillent encore à l'élaboration d'un texte qui rassemblerait un plus grand consensus", a-t-il précisé. Plusieurs autres textes circulent, notamment la proposition d'un gel des ventes d'armes à Riyad. Réagissant sur le réseau social Twitter aux déclarations des sénateurs américains, la porte-parole de l'ambassade d'Arabie Saoudite à Washington, Fatimah Baeshen, a une nouvelle fois rejeté catégoriquement toutes les accusations liant prétendument le prince héritier à cet horrible incident. Merzak Tigrine