À de rares exceptions, les sénateurs sont intervenus en plénière soit pour louer les mérites des chefs de l'Etat et du gouvernement, soit pour solder des comptes avec Ouyahia et son équipe. Ahmed Ouyahia a prononcé, hier, au Conseil de la nation un discours ; une réplique parfaite de celui qu'il a donné deux semaines plus tôt à l'Assemblée populaire nationale. Encore une fois, il a égrené des chiffres attestant de la bonne conduite des réformes économiques et sociales, notamment depuis son avènement à la tête du gouvernement en mai 2003, en remplacement de Ali Benflis (baisse du taux de chômage, recul de l'inflation, relance économique…). Il a nuancé quelque peu son optimisme en reconnaissant la faiblesse des exportations (788 millions de dollars américains en 2004) par rapport aux importations (18 milliards de dollars, la même année). À ce titre, Ahmed Ouyahia a réexprimé ses inquiétudes quant “aux dangers du financement de l'économie nationale par les seuls revenus des hydrocarbures, qui s'avèrent, de surcroît, aléatoires en raison des fluctuations permanentes des cours du pétrole”. Il a exposé, ensuite, les perspectives de l'action gouvernementale à court et moyen terme. Il n'a pas manqué d'avertir contre les manœuvres visant à déstabiliser les institutions de l'Etat. “(…) Le gouvernement est résolu à veiller au respect de la loi par tous et en toute circonstance, qu'il s'agisse du crime, de la contrebande, de la corruption ; qu'il s'agisse de la violence et de l'anarchie ou de la prise en otage des droits des citoyens par l'usage abusif de la revendication”, a-t-il asséné fermement. Aussitôt l'allocution d'Ahmed Ouyahia terminée, le président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, a déclaré ouvert le débat général, pour lequel cinquante sénateurs se sont inscrits en sus des interventions des chefs des quatre groupes parlementaires (l'objectif étant d'expédier le débat en une journée pour programmer les réponses du Chef du gouvernement pour la matinée d'aujourd'hui). 54 interventions programmées Abderrazek Bouhara (cadre du FLN désigné au tiers présidentiel) a ouvert le bal affirmant que l'élection présidentielle du 8 avril 2004 a marqué “le début de la fin de la période de transition”. Il a fait, sans transition pour sa part, une proposition pour le moins singulière. Après avoir relevé une faible représentativité des citoyens dans les rouages de l'administration de proximité, il a appelé à la révision de la loi électorale afin de permettre aux parlementaires de siéger, durant leur mandat, dans les assemblées locales. Selon lui, le cumul de mandats facilitera la mission des élus au double niveau national et local. Au nom du mouvement El-Islah, Hafid Chaoui a contesté naturellement la suppression de la filière des sciences islamiques de l'examen du baccalauréat. Il a soutenu que cette mesure “impromptue” influera négativement sur les générations futures, qui auront irrémédiablement une mauvaise connaissance de l'Islam. Selon le sénateur, l'arrière-pensée du gouvernement est de faire disparaître progressivement les sciences islamiques, y compris dans l'enseignement supérieur. Il en résultera, d'après lui, une réduction des chances des diplômés de ces filières de trouver aisément des débouchés professionnels. Farid Habaz, du MSP, a abondé dans le même sens. Il a jugé, en outre, le programme de 1 million de logements en cinq ans tout simplement utopique. Mohamed Boudiar, (RND) président de la commission juridique, a axé son intervention sur la corruption qui gangrène les secteurs névralgiques du pays. Il a rappelé que la Banque mondiale a accordé dernièrement à l'Algérie une note de 9,41 sur 100 en matière de maîtrise du phénomène. L'intervenant a incité l'Etat à mettre en place rapidement des mécanismes de lutte contre la corruption. D'après lui, les hauts responsables de l'Etat ont réellement pris conscience des risques majeurs inhérents à la corruption, qui mine non seulement le développement du pays, mais freine considérablement l'investissement étranger et, par conséquent, l'affluence des capitaux. “L'Algérie figure parmi les premiers signataires de la Convention des Nations unies, relative à la mise en place des outils de prévention et de lutte contre la corruption”. Une ratification qui a été suivie par l'élaboration d'un projet de loi sur cet objet (il sera soumis au vote le 20 juin à l'APN). Mohamed Boudiar a souligné que le ministère de la Justice s'attelle à former des magistrats au traitement des affaires liées à la corruption grâce à une aide de 15 millions d'euros de la part de l'Union européenne. L'Etat a arrondi cette enveloppe de deux millions d'euros, puisés de son budget. Un de ses collègues a rebondi sur le sujet en louant, également, les efforts du gouvernement dans le domaine. “Nous voulons que la campagne en cours contre la corruption soit permanente et non pas conjoncturelle”, a-t-il souhaité. Mohamed Salah Harzallah (tiers présidentiel) a constaté un retard dans la réalisation du programme de relance économique. Il a saisi l'occasion de la transmission en direct des débats sur les trois chaînes nationales pour interpeller le Chef du gouvernement sur la suspension de sa publication. “Est-il concevable qu'un journal soit interdit de parution par un coup de téléphone, sans aucun préavis ?” s'est-il interrogé. Seddik Chihab, l'un des vice-présidents de la deuxième Chambre parlementaire n'a pas tari d'éloges sur les “exploits” du président de la République et du gouvernement dans les domaines politique, économique et social. “L'alliance présidentielle (…) a été derrière la création de nombreuses causes qui ont aidé le pays à recouvrer sa santé.” Réconciliation, “voie de la sagesse” Evidemment, la réconciliation nationale, thème à la mode, a eu sa part des débats. De très nombreux membres du Conseil de la nation ont salué “la sagesse” du président Bouteflika, qui parraine une démarche susceptible, de leur point de vue, de rétablir durablement la paix en Algérie. Un sénateur s'est félicité de la nette amélioration de la situation sécuritaire dans toutes les régions du pays. Il a alors vivement souhaité que la réconciliation nationale soit promue “dans toutes ses dimensions afin de faire cesser la tragédie et cicatriser les plaies”. D'autres intervenants n'ont pas manqué de relever “certaines carences sur le plan social”, provoquant l'élargissement de la pauvreté aux couches relativement protégées jusqu'il y a quelques années. “L'Algérie jouit pourtant d'une aisance financière confortable”, ont-il argué. Ils ont estimé qu'une “répartition plus équitable des richesses” résorberait les foyers de la misère, exhortant par là même le gouvernement “à prendre les mesures nécessaires pour relever le pouvoir d'achat des citoyens”. Souhila H.