Au pire, les deux journalistes seraient passibles d'un délit de presse, sachant que ce délit est dépénalisé depuis la promulgation, en 2012, de la nouvelle loi sur l'information. Arrêtés le 23 octobre dernier, voire condamnés par la Gendarmerie nationale avant même leur comparution en justice, seule institution habilitée à rendre des jugements, les deux journalistes d'Algérie Part, Abdou Semmar, de son vrai nom Mohamed Abderrahmane Semmar, et Merouane Boudiab ont fini par être, logiquement, remis en liberté à l'issue de leur procès qui a eu lieu jeudi dernier au tribunal de Bir-Mourad-Raïs, à Alger. Le procès a, néanmoins, duré six heures et leur libération n'a été prononcée par le juge que tard dans la soirée. Pendant ce temps, un rassemblement de solidarité a été observé par plusieurs confrères, des militants et des citoyens lambda devant le tribunal. Lors du procès, le juge a demandé un complément d'enquête. Le parquet a, pour sa part, requis un complément d'enquête ou une année de prison ferme. Les avocats des deux parties plaignantes dans cette affaire, pour le moins louche, en l'occurrence le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, dont la plainte est déposée au nom de l'institution qu'il dirige, et le directeur d'Ennahar TV, Anis Rahmani, de son vrai nom Mohamed Mokadem, eux, ont réclamé des dommages et intérêts. L'avocat du wali d'Alger et celui d'Ennahar ont réclamé respectivement 50 millions de dinars et 2 millions de dinars. Les deux avocats ont mis en avant "le préjudice causé à la dignité" de leurs clients. Que dire alors du préjudice causé aux deux journalistes accusés et ayant purgé 18 jours à la prison d'El-Harrach !? L'avocat d'Abdou Semmar avait déjà déposé une plainte contre Anis Rahmani pour "acharnement médiatique et diffamation" à l'encontre de son client. La chaîne Ennahar ayant diffusé, en boucle, les images des journalistes menottés au tribunal et au moment de leur transfert en prison. Le même média avait également diffusé des éléments préliminaires de l'instruction censée être confidentielle jusqu'à leur comparution déjà prévue pour le jeudi 8 novembre. Ce qui est, donc, illégal et contraire à l'éthique. Une attitude, a rappelé l'avocat d'Abdou Semmar, "contraire à l'article 56 de la Constitution et aux conventions internationales ratifiées par l'Algérie". Placés sous mandat de dépôt le 25 octobre dernier, soit après 48 heures de garde à vue à la gendarmerie, les deux journalistes étaient poursuivis pour "menaces", "diffamation" et "atteinte à la vie privée" à la suite de la publication d'articles dans leur média électronique, dont celui signé par Abdou Semmar, qui n'a fait que reprendre un post d'une militante sur Facebook, en l'occurrence Amira Bouraoui qui défiait le directeur d'Ennahar. Au pire, les deux journalistes seraient passibles d'un délit de presse. Et sachant que ce délit était dépénalisé depuis la promulgation, en 2012, de la nouvelle loi sur l'information. Ce qui sous-entend que l'emprisonnement des journalistes est, pour le moins, abusif. Pire, révèle le collectif d‘avocats des deux journalistes lors des plaidoiries, les plaintes d'Abdelkader Zoukh et d'Anis Rahmani auraient été déposées bien après le déclenchement de l'action publique contre les accusés. Une "irrégularité" parmi bien d'autres qu'a dénoncée, en effet, Me Zoubida Assoul, précisant que "l'action publique a été déclenchée avant le dépôt de plainte : Abdou Semmar a été placé en garde à vue le 23 octobre à 14h30, alors que la plainte d'Anis Rahmani n'a été déposée qu'à 17h, selon l'enquête préliminaire". Il convient de signaler qu'une trentaine d'avocats se sont constitués "bénévolement" pour défendre les deux journalistes. Dans son communiqué, la gendarmerie avait, pour rappel, accusé ces deux journalistes d'"abus de fonction" et d'utilisation des réseaux sociaux et internet "à des fins criminelles". Arrêté une journée plutôt qu'Abdou Semmar et Merouane Boudiab, soit le 22 octobre, Adlène Mellah, directeur des sites d'information Algérie Direct et Dzaïr Presse, est, quant à lui, toujours en prison. Il est accusé d'"outrage aux institution, enregistrement ou prise de vue sans autorisation ou consentement et atteinte à la vie privée". Le journaliste est détenu avec l'ancien footballeur, Fodil Dob, le comédien Kamel Bouakkaz et le frère du cybermilitant installé à l'étranger, Amir Boukhors, connu pour sa célèbre page Facebook "Amir DZ" dont les publications sont hostiles au pouvoir. Farid Abdeladim