Il aura fallu l'interpellation d'un internaute pour enfin confirmer ce qui était relayé de façon informelle depuis plusieurs jours : le président du MSP, Abderrezak Makri, a bel et bien rencontré le frère du président de la République, également son conseiller, Saïd Bouteflika. Invité à confirmer ou à récuser des informations rapportées par le magazine Jeune Afrique, publiées lundi dernier, et selon lesquelles une rencontre secrète aurait eu lieu entre Saïd Bouteflika et lui au mois de novembre à sa demande, Abderrezak Makri, qui, initialement, voulait rencontrer le chef de l'Etat, selon le magazine, a indiqué "l'avoir rencontré au même titre que d'autres". "La moitié des cinquante rencontres menées par le Dr Makri n'a pas été divulguée. Il (le Dr Makri, ndlr) a affirmé à plusieurs reprises qu'il avait rencontré Saïd Bouteflika et d'autres. Et que l'initiative du consensus a été combattue par le pouvoir. Alors, comment peut-il faire partie de cette initiative ? Réfléchis un peu", a-t-il répondu, à la troisième personne, dans un échange sur sa page facebook, avec cet internaute qui n'a pas manqué, par ailleurs, de le "titiller" sur la teneur de l'entrevue et si la proposition de report de l'élection, comme plaidé par le MSP, avait été suggérée par le frère du Président. Makri ne répond pas non plus à la question du consensus, ni à celle de l'existence d'un éventuel intermédiaire. Mais cet aveu inattendu de la part du président du MSP met, de nouveau, en lumière le jeu trouble auquel s'est livré et continue à le faire ce parti catalogué d'islamiste modéré, proche de l'AKP. Car ce n'est pas la première fois que ce parti, qui tantôt se revendique de l'opposition et tantôt partisan de l'entrisme, "flirte" avec des cercles du pouvoir tout en développant un discours qui n'a rien à envier aux plus récalcitrants. En 2004, déjà, du temps de l'ancien président Bouguerra Soltani, le MSP avait entretenu l'illusion d'un opposant à Bouteflika en s'alliant au fameux groupe des "11", agrégé pour imposer des règles de transparence, avant de rejoindre, avec armes et bagages, à la dernière minute le président. On connaît la suite : le MSP fera partie de l'Exécutif avant de claquer la porte dans la foulée du "printemps" dit arabe, dans l'espoir, nourri en catimini, de tirer les dividendes politiques d'autant que dans les autres pays arabes, les partis islamistes sont sortis vainqueurs des élections. Mauvais pari puisque le parti essuiera un cuisant échec lors des élections de 2012. En 2014, le MSP, qui, entre-temps, a changé de chef, décide de rejoindre la CLTD. Principal animateur de ce conglomérat avec le RCD, le MSP n'hésite pas en 2015 à aller à la rencontre d'Ouyahia, une démarche qui avait fait grincer des dents ses partenaires politiques. La rencontre était dans "le but d'informer les autorités officielles directement et sans intermédiaire des positions du parti, de son approche et de ses idées sur les questions d'intérêt national et international", avait réagi le MSP, dans un communiqué, en précisant qu'il s'agissait d'une décision souveraine du bureau exécutif national et qu'elle s'inscrivait dans le cadre de la stratégie du parti. "La rencontre avec Ouyahia a été, d'une part, l'occasion de remettre officiellement au pouvoir la plateforme de Zeralda et, d'autre part, de réaffirmer son attachement au dialogue politique pour le règlement de la crise politique que vit le pays", ajoutait le texte. Le communiqué du MSP soutenait qu'il n'est pas, du tout, question de "négociations avec le pouvoir, encore moins de parler au nom de l'opposition". Mais le mal était fait, puisque les rencontres de l'Icso seront marquées par la méfiance avec les conséquences que nous savons, dont la disparition de la CLTD. Plus récemment encore, au lendemain des législatives de 2007, le MSP a révélé avoir rencontré Sellal qui a sollicité le parti pour rejoindre l'Exécutif. Ce double jeu de ce parti, devenu sa marque de fabrique, n'a pas seulement torpillé les efforts de l'opposition pour construire laborieusement une alternative, mais a porté également atteinte au crédit de l'exercice politique. Mais s'il paraît évident que le MSP, s'inspirant sans doute d'autres expériences de partis islamistes à travers le monde, à la lumière de l'échec de l'islamisme radical et des bouleversements géostratégiques, tente d'adapter sa stratégie en fonction de la conjoncture, des rapports de force et de la nature du régime, il n'en demeure pas moins que ses changements fréquents de positions politiques ne sont bons ni pour le parti ni pour l'opposition. Encore moins pour l'opinion qui y voit l'expression d'un opportunisme de mauvais aloi. Quant au pouvoir, lui-même reconnaît qu'il combat aussi son initiative de… consensus. Pis encore, avec l'échec lamentable de son initiative, Abderrezak Makri risque de passer un mauvais quart d'heure lors de la prochaine réunion du majliss echoura, au sein duquel survivent encore des militants réfractaires au rapprochement avec le pouvoir. Aussi doit-il "compter" sur l'escalade de l'hostilité de l'ex-président Soltani, qui a lancé le "forum mondial du juste milieu", mais visiblement destiné à grenouiller la stratégie de son successeur. K. K.