Ahmed Gaïd Salah ne décolère pas. Visiblement non content de la mise au point adressée la semaine dernière par le ministère de la Défense nationale aux généraux qui interpellent l'armée, le chef d'état-major de l'ANP en a rajouté une couche. à partir de Sidi Bel-Abbès où il était en déplacement hier, le général de corps d'armée a décoché des flèches contre des généraux à la retraite. Comme pour convaincre l'opinion publique que le communiqué de la dernière semaine de décembre émanait bien de lui, Ahmed Gaïd Salah a reproduit de larges extraits du texte. Usant parfois d'allusions et tantôt de messages directs, Gaïd Salah évoque ainsi des "individus et parties" mus par "des ambitions démesurées et animées par des intentions sournoises ont pris l'habitude, à l'approche de l'échéance électorale présidentielle, de tenter de préjuger, sans véracité, des prises de position de l'institution militaire vis-à-vis des élections présidentielles, et s'arrogent, même, le droit de parler en son nom par tous les moyens, notamment les médias". Puis, l'homme se lance dans une série de diatribes et de rappels à l'ordre qui sont parfois à la limite de l'insulte. Il accuse ces "individus" de "prévaloir leurs intérêts personnels étriqués" et "leurs ambitions démesurées, ce qui n'est, absolument, pas en rapport avec leurs véritables capacités sur plus d'un plan". L'allusion au général Ghediri est plus que précise, lui qui a multiplié, ces derniers mois, des sorties médiatiques dans, notamment, le journal El Watan. Pis encore, le chef de l'armée accuse "ces individus" de n'exister que par "les cercles qui les commanditent". À quels cercles l'homme fait-il référence ? Aux anciens dirigeants de l'armée ? Aux anciens du DRS ? Comme lors de la première "mise au point", l'armée ne nomme pas ses cibles. Le général de corps d'armée ne lâche pourtant pas sa cible. Il poursuit son discours, diffusé par la télévision publique, contrairement au message écrit de la fin décembre, par l'accusation portée à l'encontre du général Ghediri. Ce dernier est accusé d'avoir "perdu le sens de la mesure", et s'accorde "une vocation et une dimension qui ne sont pas" les siennes, et se "lance", "dans des affabulations débridées, découlant d'un narcissisme maladif, qui le pousse jusqu'à prétendre bien connaître le haut commandement de l'Armée nationale populaire, pour prévoir sa position vis-à-vis de l'élection présidentielle". Cela est pour Gaïd Salah "une grave dérive qui dénote d'un seuil inquiétant d'inconscience que seule l'ambition aveugle peut provoquer". Les "adversaires" de Gaïd Salah sont décrits, dans ce message, comme des "mentalités vaincues par leur égoïsme" et "leur ingratitude envers la prestigieuse institution qui les a accueillis, vus grandir et formés à l'intérieur et à l'extérieur du pays". Pire, voulant visiblement faire mal à sa cible dont il veut clairement réduire la valeur, le chef d'état-major de l'ANP indique qu'elle n'a exercé que "de simples fonctions" qui ne "permettent pas de songer ou d'aspirer à avoir meilleur que cela". Une réponse à Ali Ghediri qui indique avoir demandé à partir à la retraite une fois sa mission terminée ? Plus encore, le chef d'état-major s'acharne contre l'ancien général qui se serait "permis de s'autoproclamer porte-parole de l'institution militaire" et "d'être asservi à des parties qui n'accordent aucune considération aux intérêts suprêmes de l'Armée nationale populaire, sachant que porter atteinte à l'armée de n'importe quelle façon possible constitue, assurément, un tort à l'Algérie et son peuple". Le vice-ministre de la Défense nationale fait allusion aux affirmations du général Ghediri qui évoquait des "aventuriers" qui seraient tentés d'organiser l'élection présidentielle à leur guise. Pour conclure, Ahmed Gaïd Salah a rappelé qu'il se donne le droit de faire appliquer la loi. Autant dire qu'il traînera le général Ghediri devant les tribunaux militaires. Quitte à être taxé de tombeur de la liberté d'expression. Ali Boukhlef