Sans son appareil répressif, le régime de Khartoum va tomber comme un château de cartes. Mais jusqu'à quand va-t-il encore résister face à la pression populaire ? Les Soudanais ont organisé hier après-midi de nouvelles manifestations à Khartoum, Omdurman et dans plusieurs autres villes du pays, pour exiger encore le départ d'Omar al-Bachir qui a mobilisé dans la matinée ses partisans pour une marche de soutien à son régime chancelant. Mais leur manifestation a été dispersée à coups de gaz lacrymogène à Khartoum, tandis que les prorégime ont manifesté sans être inquiétés. Sur la page facebook du "Syndicat des professionnels soudanais", un des leaders de la révolte contre le pouvoir d'al-Bachir, des internautes ont posté plusieurs vidéos de la marche des Soudanais qui criaient "bess yesqot (pour qu'il chute)", en référence à leur exigence de démission du président soudanais, au pouvoir depuis 29 ans. Les opposants à Omar al-Bachir ont été empêchés aussi de manifester à Omdurman, théâtre d'une violente répression de l'opposition, cela était le cas à travers tout le pays. Mais la répression a atteint le summum dans la capitale Khartoum, où les forces de sécurité ont tiré à balles réelles contre les manifestants qui voulaient tenir un rassemblement devant le palais présidentiel à trois reprises au moins. D'ailleurs, au moins 37 personnes ont trouvé la mort dans ces manifestations qui ont débuté fin novembre, contre la hausse des prix du pain, avant de prendre une tournure politique contre le gouvernement et le régime en place. Mais les autorités évoquent la mort de 19 personnes, dont deux policiers, un bilan difficile à vérifier, dans un contexte marqué aussi par des arrestations en masse dans les rangs de l'opposition, ainsi que dans la corporation des journalistes soutenant le "Mouvement du 27 novembre". Outre l'interpellation des journalistes, plusieurs organes de presse ont été suspendus ou sévèrement contrôlés avant l'envoi de leurs éditions à l'imprimerie. Au total, plus de 800 personnes ont été interpellées, selon les chiffres officiels révélés mardi. Pour Khartoum, ces manifestations sont le résultat d'un complot extérieur qui cherche à disloquer le Soudan en plusieurs micro-Etats, après avoir été amputé d'une partie de son territoire, devenu aujourd'hui le Soudan du Sud, un Etat indépendant à part entière. Pourtant, le marasme social et économique est largement suffisant pour provoquer une explosion sociale dans ce pays, où l'inflation a atteint 70%. La Grande-Bretagne, la Norvège, les Etats-Unis et le Canada se sont dits "consternés par les informations faisant état de morts et de blessés graves" et par "l'usage de balles réelles contre les manifestants". Ils ont exhorté, dans un communiqué commun, mardi, Khartoum à faire en sorte qu'"une enquête indépendante et transparente sur la mort de manifestants soit menée le plus tôt possible, et que les responsables rendent des comptes". Lyès Menacer