Jeudi, une vague d'arrestations a été lancée par Khartoum contre une dizaine de figures de l'opposition, les journalistes et les acteurs de la société civile qui ont appelé à manifester hier après-midi. Les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur les manifestants qui ont réinvesti, hier, la rue à Khartoum et dans plusieurs autres villes soudanaises pour exiger le départ du régime d'Omar al-Bachir. Aucun bilan officiel n'était encore disponible en fin de journée, mais ces manifestations, d'essence sociale avant de virer à des revendications politiques, ont déjà fait 37 morts, selon les chiffres avancés par l'opposition et les ONG, et 19, selon les autorités. Lancées initialement pour protester contre la hausse du prix du pain, les manifestations ont bouclé, hier, leur neuvième journée, malgré les promesses du président, au pouvoir depuis 29 ans, de procéder à de profondes réformes sociales et économiques. Hier, elles ont commencé juste après la fin de la prière hebdomadaire du vendredi, à l'appel de l'opposition et de plusieurs organisations syndicales et de la société civile. S'ils n'étaient pas des masses à sortir hier après-midi, surtout pour un jour de repos hebdomadaire, les centaines de manifestants se sont montrés déterminés à poursuivre leur mouvement, et ce, en dépit de l'usage de la violence armée par Khartoum qui reste quadrillée par l'armée et la police. Les autorités ont d'ailleurs installé des snipers sur les toits des immeubles et coins de rues, affirment l'opposition et des témoins qui ont diffusé sur les réseaux sociaux de nombreuses photos et vidéos montrant les meurtrières répressions des manifestants à Khartoum et dans plusieurs autres villes du pays. Cela n'a pas dissuadé les manifestants de poursuivre leurs marches à travers tout le pays. À Ateba, d'où a commencé la révolte contre le triplement du prix du pain et la situation chaotique de l'économie, plusieurs dizaines de citoyens se sont joints aux fidèles qui ont organisé une marche pacifique conte le régime de Khartoum, a-t-on constaté sur les vidéos diffusées sur internet. Il en était de même à Omdurman ou dans la région du Nil (sud) et à Darfour (nord-ouest), où la répression du régime s'est abattue ces derniers jours sur les militants de l'opposition et les étudiants qui ont rejoint les manifestations. Le leader de la société civile à Darfour, Mohamed Aïssa, a dénoncé d'ailleurs l'arrestation, la torture et le lynchage médiatique de 32 étudiants darfouris, en les montrant à la télévision à travers un "ciblage orchestré". Selon lui, les étudiants n'ont aucun lien avec la destruction et les incendies provoqués contre certaines institutions publiques, lit-on dans la presse locale. Aussi, des professionnels des médias soudanais se sont joints à la contestation en dénonçant les arrestations arbitraires des militants politiques, des syndicalistes et des membres de la société civile qui soutiennent ce qui est qualifié de "révolte populaire" au parfum du "Printemps arabe" de 2011. Allant plus loin dans leur engagement, ils ont observé un vaste mouvement de grève jeudi. Cela leur a valu une violente réaction du pouvoir qui a mené une vague d'arrestations dans le milieu de la presse, ont rapporté les journaux locaux et d'autres organisations soudanaises de défense des droits de l'Homme et de la liberté d'expression. Plusieurs journalistes ont été interpellés devant la maison de la presse Tayar, à Khartoum, alors qu'ils observaient un mouvement de grève, en soutien à la contestation sociale des Soudanais, mais aussi pour dénoncer le régime en place et la répression qu'il mène depuis longtemps contre toute voix discordante, a-t-on appris du syndicat des journalistes. Lyès Menacer