L'éclatante victoire électorale du général à la retraite, Michel Aoun, dans les régions presque exclusivement chrétiennes, lors de la troisième phase des législatives qui s'est tenue dimanche dernier, fait de lui le chef incontesté des chrétiens du Liban et change la donne des élections. Revenu le 7 mai d'un exil de 15 ans en France, après avoir été évincé du pouvoir par l'armée syrienne, le chef du Courant patriotique libre (CPL), âgé de 70 ans, s'est imposé en leader chrétien au Mont-Liban en raflant, avec ses alliés, 15 des 16 sièges des circonscriptions du Metn et du Kesrouan-Jbeil. Il a également rassemblé le vote chrétien notamment dans la région mixte Aley-Baabda mais où la liste de son adversaire, le chef druze Walid Joumblatt, a remporté les 11 sièges en alliance avec le Hezbollah chiite et des opposants chrétiens. Selon M. Hindi, ancien membre fondateur du Rassemblement de Qornet Chehwane, mouvement de l'opposition créé sous la houlette du chef de l'Eglise maronite, Nasrallah Sfeir, l'électorat chrétien semble vouloir se doter d'un leadership à l'instar de celui de Joumblatt chez les druzes, de Saâd Hariri chez les sunnites et (des mouvements) Amal et Hezbollah chez les chiites. Pour M. Joumblatt, cependant, la victoire d'Aoun est celle “des extrémistes chrétiens qui ont vaincu les modérés”. Pour le chef druze, le général Aoun a été instrumentalisé par les présidents syrien Bachar al-Assad et son allié libanais Emile Lahoud. Michel Aoun a été critiqué avec virulence par ses rivaux chrétiens. Le général Aoun a dépassé le cadre du Mont-Liban en remportant aussi une victoire dans la circonscription à dominante chrétienne de Zahlé, dans la Békaa, en alliance avec le député grec-catholique, Elie Skaff. Le député Michel Murr, pro-syrien de longue date qui sauve son siège grâce à une entente avec le général Aoun, a estimé que “les chrétiens sentent le besoin d'avoir un leader maronite qui ne soit pas à la merci de Joumblatt, de Hariri ou des chrétiens battus”. Au delà, la victoire du courant du général Aoun constitue un revers pour l'opposition anti-syrienne qui comptait sur une majorité absolue de 90 députés dans le nouveau parlement jusque-là dominé par les pro-syriens. “Nous n'aurons pas cette majorité. La situation est grave”, a concédé un député chrétien de l'opposition qui a requis l'anonymat.