Résumé : Après des palabres qui n'en finissaient pas, la djemaâ a rendu son verdict. Aïssa a gagné la partie en spécifiant que Ghenima lui avait été promise tout au début de la cueillette des olives, prenant en témoin Da Kaci, qui ne put que s'incliner. Ghenima attendait la suite du récit de son frère. Elle jette un coup d'œil à Fatiha, qui comprenant l'allusion demande à son mari : - Personne d'autre n'a pu contredire la décision de la djemaâ et l'entêtement de Aïssa ? Belkacem fait un geste de la main. - Si. Beaucoup de villageois trouvèrent ce mariage déplacé. Même que certains avaient quitté l'assemblée avant la fin des palabres. Et puis il y avait Mohand le forgeron. Belkacem se tut, et les quatre femmes l'interrogèrent des yeux, avides de connaître la suite. - Mohand avait dit avoir l'intention de demander Ghenima en mariage avant la fin du printemps. - Hein ? Pourquoi avait-il mis autant de temps pour se décider, demande Zouina, oubliant du coup qu'elle-même s'était opposée à cette idée, il n'y a pas si longtemps. - Oh, je ne sais trop quoi te répondre. Je sais que son oncle Saïd avait été jusqu'à en faire la demande lui-même devant la djemaâ, dont il est l'un des membres. Hélas, personne ne pouvait rien faire, d'autant plus que Aïssa était à l'affût du moindre commentaire et avait fait face à tous les arguments avancés par les sages quant à son mariage avec Ghenima. - Comment Mohand a réagi en fin de compte ?, se hasarde à demander Fatiha. - Il s'est emporté et il s'en fallait de peu pour qu'il s'en prenne à Aïssa, et même à notre père. Mohand semblait sincèrement déçu. Il avait l'air d'un animal écorché vif et blessé à mort. Des jeunes avaient dû l'éloigner et le retenir loin de l'assemblée. Zouina met ses deux mains sur sa tête. - Maudit sois-tu Aïssa. Que la foudre s'abatte sur toi, et que la mort t'emporte en enfer. Tu as fait de nous la risée du village, que Dieu fasse de toi un aveugle et t'empêche de voir la lumière pour le restant de tes jours. Belkacem hausse les épaules. - Mais cela n'empêchera pas ce mariage d'avoir lieu, mère. Père a déjà pris ses dispositions. Dans quelques jours, Ghenima devra rejoindre la maison de Aïssa. En fait, elle est déjà légitimement sa femme, puisque la Fatiha a été récitée devant la djemaâ et en présence de l'imam du village. Zouina s'effondre en larmes, et Fatiha accourut pour la soutenir. Ghenima gardait le silence. Elle n'avait pas prononcé le moindre mot depuis le retour de son frère. Le calme qu'elle affichait n'augurait rien de bon. Est-elle devenue muette tout d'un coup, se demande Fatiha. Zineb s'empresse de venir vers elle et de tenter de la consoler. - Ghenima, ma sœur, ce n'est peut-être pas encore le grand départ. D'ici ton mariage, beaucoup de choses pourraient se passer. Aïssa pourra mourir, ou bien un malheur s'abattra sur sa maison, et comme il est superstitieux il pensera que tu attires la poisse. Ghenima lève une main suppliante à l'intention de sa belle-sœur. Elle ne voulait plus rien entendre. Rien. Elle voulait juste se retrouver seule un moment pour méditer sur son sort. Elle escalade les quelques marches d'échelle et retourne dans la soupente. Elle n'avait plus envie de pleurer, elle n'était même pas triste. Tout juste un peu mélancolique. Elle s'étendit sur une natte et se dit qu'il était encore trop tôt pour sortir. Ce soir, son père va rentrer plus tôt que d'habitude pour les narguer tous. Il aura l'air de ce pacha à qui rien ni personne ne pouvaient résister. Il avait pu faire asseoir son autorité devant sa famille, bien qu'au fond de lui-même il avait dû avoir piètre allure devant les gens du village et les sages de la djemaâ. (À SUIVRE) Y. H.