Résumé : Mohand s'était loyalement battu. Il avait été jusqu'à provoquer Aïssa devant la djemâa, mais ce dernier avait gagné la partie haut la main. Même l'oncle Saïd, connu pour sa grande sagesse, n'avait rien pu faire. Ghenima se rappelle tout de même la promesse de son petit ami. 45eme partie Elle se met à entortiller ses tresses, et se demande pour la énième fois si Mohand allait tenir sa promesse. Il avait juré que Aïssa ne l'aurait pas. Consentira-t-il à prendre la clé des champs avec elle ? Pourront-ils s'installer quelque part dans un autre village, se marier, fonder une famille, et vivre heureux, et loin de tout aléa ? Mais Ghenima savait au fond d'elle-même que son bonheur ne sera pas à portée de main. Même si Mohand consentait à l'emmener loin du village et à l'épouser, elle aura toujours des remords, et vivra pour le restant de ses jours dans l'incertitude. Comment pourra-t-elle connaître la quiétude, alors qu'elle allait quitter les êtres les plus chers à son cœur, pour ne plus jamais les revoir, et s'enfuir en pleine nuit comme une voleuse ? Et pourtant c'était la seule solution qui se présentait à elle. Dans quelques heures, il fera nuit noire. Va-t-elle restée prostrée ainsi sur elle-même et laisser les choses se dérouler selon la volonté d'un homme qui a su se jouer d'eux tous ? Non, Aïssa ne l'aura pas. Elle mettra fin à ses jours s'il le faut, mais il ne l'aura pas. Elle sentit la confiance renaître en elle. Son balluchon se trouvait toujours chez Mohand, elle n'aura donc pas à s'embarrasser d'un fardeau qui attirerait l'attention. C'est simple. Une fois les lumières éteintes, elle sortira à pas de loup de la maison, et se rendra dans la grange de Mohand. À coup sûr ce dernier doit être dans tous ses états. Elle ne devrait donc pas tarder pour aller le retrouver, et ensemble ils traceront un chemin à travers les épines qui jonchent déjà le trajet de leur vie. Elle prend une longue inspiration. Les choses auraient été plus simples s'il n'y avait pas cet intrus entre eux. Un peu plus sereine, Ghenima redescend de la soupente. Sa mère était assise près de l'âtre et remuait les cendres avec un tisonnier, alors que Belkacem sirotait un café. Zineb et Fatiha avaient regroupé leurs enfants pour les faire dîner. Les adultes ne semblaient pas avoir le cœur à manger. Mokrane s'était réveillé et avait plongé sa tête dans le grand bac d'eau qui se trouvait dans la cour. Il fait son apparition dans la grande salle, et Zineb s'empresse de lui ramener une serviette. Il s'essuie le visage et le torse puis se met à côté de son frère. - Alors Belkacem, quel est le résultat de cette loterie ? Son jeune frère hausse les épaules d'un air impuissant : - Nous avons perdu la partie, mon frère. Mokrane devint blême : - Tu veux dire que Aïssa va épouser notre sœur ? Belkacem pousse un soupire : - C'est déjà fait. - Hein ? Tu veux rire ou quoi ? - Je n'en ai même pas l'envie… Ghenima est religieusement mariée à ce vieux fou. La fatiha a été récitée devant la djemaâ. Il peut d'ores et déjà se targuer d'être l'époux de Ghenima. Mokrane se relève, alors que sa femme s'approchait de lui avec une tasse de café noir à la main. Il fait voler la tasse d'un geste brutal, et s'en prend à Zineb : - Hors de ma vue, que je ne te vois pas, fille de malheur. Belkacem se lève : - Du calme Mokrane. Nous sommes tous assez secoués comme cela. Ne rajoute pas de l'huile sur le feu. - Ah, ah, ah, tu me fais rire petit frère, le feu a déjà pris. C'est maintenant un incendie qui se déclare. Tu veux que je te dise : nous devrions plutôt penser à quitter les lieux avec nos familles, et emmener Ghenima avec nous. Belkacem ébauche un sourire triste : - Crois-tu que je n'y ai pas pensé Mokrane, mais rien ne pourra plus faire reculer ce projet. Même si nous quittons la maison, Ghenima ne pourra pas nous suivre. Père l'a mariée. Elle appartient désormais à Aïssa. Qu'on le veuille ou pas, c''est la triste réalité. Les jeux sont faits. (À suivre) Y. H.