De la fameuse stratégie industrielle vantée au milieu des années 2000 au récent programme de réformes structurelles censées accompagner "la politique de la planche à billets", en passant par les projets "foireux" de pacte économique ou de nouveau modèle de croissance, le pouvoir n'a fait, pendant plus d'une décennie, que défaire et refaire de vains engagements de réformes structurelles. Alors que sa volonté de se perpétuer demeure visiblement intacte, le régime ne consent même plus à admettre l'état désastreux dans lequel se trouve actuellement l'économie nationale, sinistrée qu'elle est par près de vingt ans de ratages et de gabegie. De par son absolue mainmise sur toute la chose économique et, depuis ces dernières années, sur la sphère des affaires — blocages de certains investisseurs et largesses pour d'autres —, le pouvoir en place est aujourd'hui comptable non seulement de la dégradation dangereuse des équilibres macroéconomiques et budgétaires, mais aussi de la détérioration aggravée du climat des affaires, empêchant, dès lors, l'initiative privée de prendre le relais de la croissance. À peine deux années en arrière, et alors que la désillusion d'une possible prospérité par la seule rente des hydrocarbures était déjà là, le gouvernement exhibait à l'issue d'un Conseil des ministres, en juillet 2016, un pompeux "nouveau modèle de croissance" censé engager, enfin, le pays dans la voie d'une indépendance aux vicissitudes du pétrole. Le projet promettait, entre autres prouesses, une couverture intégrale des dépenses de fonctionnement par les seules recettes de la fiscalité ordinaire, une maîtrise des déficits du Trésor à des niveaux soutenables, une trajectoire soutenue de croissance en hors hydrocarbures de 6,5% par an à partir de 2020, une diversification des exportations de sorte à soutenir le financement de la croissance et, enfin, une modernisation du secteur agricole avec pour objectif de garantir la sécurité alimentaire du pays. Ambitieux dans sa conception, le projet du nouveau modèle de croissance s'est vite révélé n'être en définitive qu'une vaste litanie de vœux pieux, sitôt énoncés que déjà presque oubliés. Suivra, deux années plus tard, un autre projet tout aussi ambitieux de réformes structurelles majeures, censées accompagner le dispositif exceptionnel de financement non conventionnel aux fins d'en atténuer les effets inflationnistes et d'amorcer une transition vers une croissance moins tributaire de l'argent public. Telles que consignées dans le Journal officiel du 7 mars 2018, ces nouvelles réformes devaient porter en substance sur la rationalisation des dépenses de l'Etat et de celles à l'importation, le réaménagement de la politique des subventions et surtout l'amélioration du climat des affaires à travers une meilleure offre foncière et de crédits, ainsi qu'une réadaptation progressive de la législation économique pour réduire les délais et simplifier les procédures d'investissement. Edictés par décret exécutif signé par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ces projets d'ajustement et de réformes, pourtant vitaux et urgents au vu de l'érosion de l'épargne financière de l'Etat, tardent pourtant à être enclenchés, plus d'un an après l'entrée en vigueur "du dispositif de la planche à billets". Et tandis que les scenarii les plus cléments indiquent une annihilation d'ici à deux ou trois ans de la marge de manœuvre financière dont dispose encore le pays, le gouvernement s'évertue à escamoter l'urgence d'une mise en œuvre concrète et urgente de réformes structurelles et de gouvernance, se contentant plutôt de plaider les bienfaits de la continuité. Akli Rezouali