Comble du ridicule, les organisateurs ont pris soin d'installer une troupe folklorique entre les manifestants et le ministre pour étouffer les slogans des robes noires. Quatre figures emblématiques du barreau d'Annaba qui voulaient profiter du passage du ministre de la Justice dans leur ville, pour signifier leur opposition à un nouveau mandat du président Bouteflika, ont été interpellées de manière brutale par des policiers, hier. Les quatre avocats, qui observaient aux côtés d'une centaine de leurs confrères un sit-in devant le nouveau tribunal d'Annaba, ont été traînés de force par des policiers en uniforme et maintenus à l'intérieur d'un fourgon jusqu'à 13h30, rapporte l'un d'eux, en se réservant le droit de déposer plainte pour maltraitance. "Nous nous apprêtions à manifester pacifiquement pour dire non au 5e mandat et étions en retrait du bâtiment qui devait être inauguré par le ministre, lorsque des policiers sont intervenus sans ménagement. Les éléments de la Sûreté nationale, qui n'ont même pas eu le minimum de respect ni le moindre égard envers Me Khaïr-Eddine — le plus âgé et le plus écouté d'entre nous —, nous ont bousculés. Ma robe a été déchirée durant cette intervention musclée. Rien ne justifiait ce comportement outrancier, alors que nous n'opposions pas la moindre résistance", confie Me Riad Ferrag encore sous le choc. "Nos banderoles et nos téléphones portables nous ont été confisqués, et nous avons dû supporter ces brimades pendant plus d'une heure comme de vulgaires délinquants", ajoute cet avocat. Il indiquera, ensuite, que tous ses confrères ont été obligés de se maintenir en retrait dudit tribunal, derrière une file de véhicules de police, pour ne pas être vus par Tayeb Louh et la délégation qui l'accompagnait. Et d'ajouter que, comble du ridicule, les organisateurs ont pris soin d'installer une troupe folklorique entre les manifestants et le ministre pour étouffer les slogans des robes noires. Peine perdue pour ceux qui ont voulu empêcher cette manifestation de protestation, puisque le ministre de la Justice a bien entendu le message des avocats avec une certaine satisfaction, conclut Me Ferrag. Cette intervention n'était malheureusement pas la seule à marquer le passage du ministre, se doit-on de signaler. Le journaliste Mustapha Bendjama, qui avait déjà fait l'objet d'une tentative d'enlèvement de la part d'inconnus lors du sit-in du 24 février dernier, a été, quant à lui, empêché, et de la plus maladroite des façons, de couvrir la visite du ministre de la Justice à Annaba. Notre confrère a été interpellé, lui aussi, à l'entrée de l'Hôtel Sheraton au moment où il s'apprêtait à entrer dans cet établissement avec le groupe de journalistes accrédités pour cette couverture, vu qu'il se trouvait à bord du véhicule qui avait été affecté à la presse. "C'est la deuxième fois que je fais l'objet de mesures répressives. Tout d'abord, ce sont des individus qui se sont présentés comme des policiers et qui m'ont menacé du pire, et maintenant, ce sont des policiers, formellement identifiés, qui m'ont interpellé pour un soi-disant contrôle d'identité de routine, alors qu'ils me connaissent parfaitement. C'est tout simplement inadmissible", s'indigne notre confrère.