De nombreux magistrats d'Alger se sont regroupés jeudi devant la cour d'Alger, pour réclamer « une justice libre et indépendante » et un Etat de droit ». Ils sont venus de cette même juridiction mais aussi de nombreux tribunaux qui lui sont rattachés. C'es la première fois dans les annales de la justice que juges et avocats manifestent ensemble pour le respect des lois….. C'est un rassemblement unique dans l'histoire de la justice. Des magistrats de la cour d'Alger se sont regroupés jeudi, vers 13 h, à l'entrée de cette plus importante juridiction du pays, pour clamer haut et fort : « Adala horra moustakila » (Justice libre et indépendante) ». Vêtus de leurs robes, et certains drapés de l'emblème national, ils ont hissé de nombreuses pancartes sur lesquelles on pouvait lire : « lorsque fini la justice commence la dictature », « pour le respect de la séparation des pouvoirs », « non à la violation de la constitution », « oui pour une justice indépendante ». Des dizaines d'avocats les rejoignent avec des drapeaux et les mêmes slogans, sous les applaudissements et les youyous. Une ambiance très particulière, que beaucoup n'hésitent pas à « la mémoriser, pour l'histoire », avec des photos et des vidéos. Un des magistrats prend la parole pour saluer les «collègues avocats qui nous ont fait sortir de notre silence. Nous faisons partie de ce peuple et nous jugeons en son nom. Nous ne pouvons être en marge de ses revendications. Nous aussi, nous voulons une justice indépendante qui protège les avocats, les médecins, les universitaires, les journalistes, les policiers, les gendarmes, les fonctionnaires etc. Une justice forte qui protège tous les citoyens en respectant la loi. Nous voulons des juges qui ne se soumettent qu'à la loi, des juges qui appliquent la loi. Nous voulons un Etat de droit, une nouvelle République où tous les Algériens seront égaux devant la loi… ». Lu d'une voix assez forte, le message est fortement applaudi par une assistance très nombreuse, avant que l'hymne nationale ne soit chanté en chœur. « Je suis décidé à aller jusqu'au bout , avec mes nombreux collègues, pour faire en sorte que la loi soit au dessus de tous », nous dit ce jeune juge du tribunal de Sidi M'Hamed. Même déclaration est faite par un procureur de Bir Mourad Rais, qui promet « qu'aucun manifestant pacifique, ne va être jugé par nos soins. Nous allons imposer le respect des lois et rien que les lois.. ». C'est vraiment l'euphorie. Pour bon nombre d'avocats, ce moment est historique. « Jamais je n'aurai pensé vivre une telle émotion. Voir les avocats et les juges regroupés dans un rassemblement pour l'Etat de droit était pour moi utopique… », lance Me Amine Sidhoum. Me Chaib est aussi ému que ses confrères. « C'est magnifique. Nous sommes en train d'aller vers une nouvelle Algérie. L'espoir est permis… », nous dit-il. Me Mokrane Ait Larbi, est lui aussi dans cette euphorie, tout comme les Mes Melah et Haboul, qui voient l'aube d'une nouvelle république se lever. « Désormais, une nouvelle Algérie est en train de se réveiller », lance Me Debouz. En fait, les magistrats ont répondu à l'appel du « Club des magistrats », une nouvelle organisation syndicale en voie de création, rendu public à travers les réseaux sociaux et dans lequel, il exhortait les juges à exprimer leur solidarité avec les manifestations contre le 5ème mandat et pour des changements à travers des sit-in dans les cours, mais aussi à refuser tout encadrement de l'opération électorale. Les premiers magistrats qui ont organisé des rassemblements sont ceux de Bejaia, Tizi Ouzou, Guelma et Khenchela, suivis de leurs collègues à Bouira, Constantine, Sidi Bel Abbes, Ouargla, Boumerdes. C'est la première fois que la corporation des magistrats brise le mur de la peur et du silence, en exprimant sa position par rapport à ce qui se passe dans le pays. Le rassemblement devant la cour d'Alger a été une véritable surprise pour beaucoup, et risque de pousser les plus récalcitrants à suivre le mouvement de contestation. Pour sa part, le barreau d'Alger a rendu public un communiqué dans lequel il rejette les décisions contenues dans la lettre attribuée au président, «derrière laquelle se trouvent des cercles occultes. Nous considérons ces mesures une grave dérive dans l'exercice du pouvoir dans la mise en œuvre de mécanismes non constitutionnels pour détourner les revendications du peuple qui consistent à refuser la continuité du régime ». De ce fait, le conseil de l'ordre d'Alger a appelé au respect de la volonté populaire à , à la poursuite des marches de protestations pacifiques et à soutenir les revendications du peuple à aller vers une période de transition, un gouvernement de consensus représentatif de toutes les couches de la société .. ; »