"Ma place n'est plus sur le terrain électoral, mais au milieu du peuple qui a pris la parole et que j'ai entendu." C'est en ces termes que le président de Talaie El-Houriat, Ali Benflis, a annoncé le renoncement à sa candidature pour l'élection présidentielle. Dans une longue déclaration, l'ex-Premier ministre a estimé que, dans les conditions actuelles, le scrutin présidentiel "n'a ni sens ni raison d'être. Maintenu tel que conçu par les forces extraconstitutionnelles, il ne serait que la source d'un surcroît de tensions et un terreau pour tous les dérapages". Et de poursuivre : "Cette élection est manifestement en décalage par rapport aux nouvelles réalités politiques créées par la demande du peuple." Ali Benflis considère que "gagnées par la panique et saisies de désarroi, les forces extraconstitutionnelles ont cru assurer leur survie à travers une candidature fictive et surréaliste à un mandat présidentiel tout aussi fictif. Certains disent que cela a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Je suis, quant à moi, enclin à penser que cela a été l'étincelle qui a permis d'illuminer le chemin du sursaut et du renouveau. Depuis vingt ans, c'est une sorte d'Etat sultanat qui s'est insidieusement substitué à l'Etat nation moderne que nous voulons ensemble bâtir". De son point de vue, "la persistance dans la présentation de la candidature à un 5e mandat ne peut se concevoir que comme un surcroît de provocation et une surenchère ne visant rien d'autre qu'à faire prévaloir, coûte que coûte, quelques intérêts particuliers sur les intérêts vitaux du pays". Le président de Talaie El-Houriat propose un plan de sortie de crise qui se décline en deux parties. Il demande en premier lieu, en guise de mesure d'apaisement, le retrait de la candidature de Bouteflika, la mise à l'écart des forces extraconstitutionnelles et le report de l'élection présidentielle de 6 mois. Il plaide, en second lieu, en faveur de la formation d'un gouvernement de compétences indépendantes qui sera chargé de l'organisation du scrutin, le gel des activités de la Haute instance indépendante de surveillance des élections, la nomination d'une nouvelle composante humaine du Conseil constitutionnel sur proposition du gouvernement et la neutralisation de l'administration par la nomination de délégués spéciaux du gouvernement, à l'échelle des wilayas, des daïras et des APC. Le report du scrutin présidentiel de 6 mois permettra, dit-il, l'ouverture d'une transition et l'élection d'une assemblée qui s'attellera à élaborer une nouvelle loi fondamentale. Ali Benflis pense que face à la contestation populaire, le pouvoir ne peut plus persister à proposer "l'homme providentiel, le pouvoir à vie est un projet d'avenir mortifère". Car, dit-il, le peuple a "abattu le mur du silence qui lui était imposé. Il a décidé de parler haut et fort et quand le peuple décide de prendre la parole, il l'a prend et n'attend pas qu'on la lui donne". Pour Talaie El-Houriat, les manifestations et les rassemblements populaires ont "vidé de son sens le processus électoral en cours, en rejetant non seulement le 5e mandat mais l'ensemble du système politique en place pour permettre une alternance et l'ouverture de perspectives pour l'instauration d'un Etat de droit et d'un régime démocratique". Ali Benflis a déclaré, par ailleurs, s'attendre à une montée en cadence de la contestation. Enfin il a souligné qu'il a pu réunir plus de 120 000 signatures d'électeurs en faveur de sa candidature dans 47 wilayas, dont plus de 2 000 dans 39 wilayas. "Je le précise parce que j'ai été informé que dans le cas de mon retrait, le pouvoir aurait l'intention de me discréditer en disant que je n'ai pas pu rassembler le nombre de signatures exigées par la loi électorale", conclut-il. Nissa Hammadi