Des journalistes en France dénoncent la frilosité des représentants du gouvernement dans leurs prises de position concernant les manifestations en cours en Algérie. Ils relèvent aussi le mutisme observé par le président Emmanuel Macron sur ces événements alors qu'il n'hésite pas à donner son avis sur d'autres actualités tout aussi sensibles dans le monde. "Avez-vous entendu le gouvernement français s'exprimer sur les manifestations géantes de l'autre côté de la Méditerranée ? Eh bien non : silence absolu... Ou plutôt quand il est impossible de faire autrement, les ministres dégainent prudemment les éléments de langage", a observé Frederic Says dans un billet hier sur la radio France Culture. Le journaliste a cité l'exemple de la ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Jacqueline Gourault, qui a défendu il y a deux jours, la politique de non-ingérence de la France. Or pour le journaliste, une telle position n'est pas valable surtout que Macron et son gouvernement n'ont pas manqué, selon lui, de "reconnaître un président autoproclamé au Venezuela, de déplorer le vote des Britanniques en faveur du Brexit et des Italiens pour un gouvernement d'ultra-droite". Jean-Michel Apatie a fait le même genre de rappel dans une chronique diffusée avant-hier sur la radio Europe 1. Evoquant "la trouille de la France concernant une arrivée éventuelle des islamistes au pouvoir" en Algérie, il estime que celle-ci est nourrie par "une erreur d'analyse". "Nous pensons que dans les pays musulmans, les régimes autoritaires et qui sont souvent des régimes militaires nous évitent les pouvoirs islamistes. C'est faux. Ce sont ces pouvoirs militaires qui nourrissent l'islamisme et le laissent se répandre dans les tréfonds de la société", a fait savoir Jean-Michel Apatie, regrettant que l'Etat français "continue de soutenir le FLN et Bouteflika, (un) régime corrompu qui ne le mérite pas" au lieu de prendre une position en faveur du peuple algérien, "ancrée dans un champ de défense des droits de l'Homme et des citoyens". Pour le journaliste Alain Duhamel, l'Etat français ne souhaite pas s'ingérer mais il ne peut pas en même temps rester indifférent. "Ingérence interdite car on sait très bien que si l'on exprimait le moindre désir ou le moindre encouragement, le pouvoir en place (en Algérie) en profiterait pour se retourner contre la France et indifférence interdite car il y a 900 000 binationaux en France et près de 3 millions de descendants d'Algériens", a-t-il expliqué dans un article paru sur le site de la radio RTL. Pour le moment, Macron et son gouvernement préfèrent donc adopter la position du wait and see. Mais comme l'a souligné Frédéric Says dans son billet, "face à l'Histoire en marche, sera-t-il possible encore longtemps de faire semblant de regarder ailleurs".