Pour Ali Benflis, le retrait de la candidature du président Bouteflika est un préalable à l'ouverture d'un débat inclusif sur un nouveau pacte social et politique. "Je donne un avis en tant que citoyen, mais le peuple, qui ne s'encombre plus de tutelle, est souverain." D'emblée, le président de Talaïe El-Houriat, Ali Benflis, apporte cette précision. Il s'est mis ainsi à l'abri de toute mauvaise interprétation des propos qu'il tiendrait durant les deux heures de vie de l'édition du Forum de Liberté qui lui a été réservée hier. "Celui qui cherche à récupérer le mouvement (soulèvement populaire, ndlr) n'a pas de principes. Le peuple doit décider de son sort. Il ne le pourra que dans le cadre d'élections libres, supervisées par une instance indépendante et neutre", a-t-il commenté. À partir de là, il a décliné les solutions qui lui semblent convenir à la conjoncture actuelle du pays. Il a d'abord cité les préalables : l'incontournable avortement du projet du 5e mandat, la démission du gouvernement en exercice, le gel des activités de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise) présidée par Abdelouahab Derbal et enfin le changement de la composante du Conseil constitutionnel. Il a affirmé que l'aboutissement de la candidature du président Bouteflika, contre la volonté du peuple, entraînera fatalement le pays dans un abîme. "Le danger ne vient pas de la rue qui manifeste pacifiquement, mais des forces extraconstitutionnelles qui ont accaparé ses commandes et ses richesses", a averti l'ancien chef de gouvernement. "Le peuple n'a pas tort de se soulever contre la corruption qui gangrène le sommet de l'Etat", a-t-il poursuivi. Il a souligné, dans le sillage de sa réflexion, que la Hiise et le Conseil constitutionnel sont des comités de soutien au Président, candidat à sa propre succession. "Le Conseil constitutionnel a un pouvoir juridictionnel. Il décide de valider ou pas une candidature. L'institution remplit-elle son rôle ? La réponse est non", a-t-il asséné, rappelant au passage l'allégeance assumée de Tayeb Belaïz au chef de l'Etat, le 21 février dernier, jour de la prestation de serment. "Il a exprimé sa fidélité au président de la République avant l'Algérie", a-t-il relevé. Ali Benflis a proposé, ensuite, le report du scrutin présidentiel de quelques mois et l'ouverture d'un débat inclusif sur un pacte social et politique. Il n'a, néanmoins, pas déterminé sur quels fondements juridiques et constitutionnels se justifiera la tenue de la prochaine élection en différé. La mesure sera-t-elle légale si les manifestations se poursuivent sur leur cadence civilisationnelle et si les candidats, engagés dans la course à la magistrature suprême, dont Ali Ghediri et Abdelaziz Belaïd, n'abandonnent pas la partie après un retrait hypothétique du Président ? Sans le dire clairement, l'invité du Forum de Liberté a sous-entendu la suprématie du politique sur le juridique en situation de crise. De son point de vue, "le scrutin du 18 avril prochain, dans ces conditions, ne sera pas valide. Il manquera de crédibilité (…). Je ne me suis pas porté candidat, car je savais que le match était vendu d'avance. Il nous faut bâtir un nouveau régime légitime à partir d'élections réellement libres". Souhila Hammadi