Même si les relations entre Alger et Paris sont particulières, la célérité des responsables français à réagir aux annonces du pouvoir en Algérie soulève moult interrogations. Alors qu'aucune capitale étrangère ne s'était encore fait l'écho des annonces du président Abdelaziz Bouteflika, celles-ci ont été saluées en un temps record par quatre officiels français, à leur tête Emmanuel Macron. La France aura été le premier et le seul pays à se positionner sur cette question. Le président français, Emmanuel Macron, a réagi hier matin de Djibouti pour saluer "la décision" du président algérien Abdelaziz Bouteflika de ne pas briguer un cinquième mandat, tout en appelant à "une transition d'une durée raisonnable". Une affirmation précédée par "Il faut" sous-entend un ordre à peine voilé si ce n'est une condition du président français pour continuer à soutenir le pouvoir en place à Alger. En déclarant au cours d'une conférence de presse avec son homologue djiboutien Ismaïl Omar Guelleh : "Je salue la décision du président Bouteflika qui signe une nouvelle page de l'histoire algérienne", le chef de l'Etat français apporte sa caution à ces décisions, alors que la retenue est encore de mise dans les autres capitales étrangères. À peine quelques minutes après l'annonce par Abdelaziz Bouteflika de ses décisions, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, les a saluées dans un communiqué en estimant qu'il s'agissait de "prendre des mesures pour rénover le système politique algérien". Dans la foulée, M. Le Drian a ajouté : "Au lendemain des grandes manifestations qui se sont déroulées dans le calme et la dignité à travers toute l'Algérie, la France exprime l'espoir qu'une nouvelle dynamique à même de répondre aux aspirations profondes du peuple algérien puisse s'engager rapidement." Même le secrétaire d'Etat du ministre de l'Education nationale français, Gabriel Attal, s'est mis de la partie en déclarant lundi dans l'émission Audition publique sur LCP et Public Sénat, que "la France prend acte" de la décision du président Bouteflika de ne pas se présenter à l'élection présidentielle qui était prévue pour le 18 avril. Il a affirmé qu'il "ne croit pas avoir beaucoup d'autres commentaires à faire", avant d'ajouter que les Algériens "tiennent à ce qu'on respecte leur indépendance, leur souveraineté (et) ils ne tolèrent pas d'ingérence". Gabriel Attal a précisé : "Evidemment, la France suivra avec attention le développement de la situation politique en Algérie." Le dernier à avoir réagi n'est autre que le porte-parole du gouvernement français, Benjamin Griveaux, qui a souligné à l'issue du Conseil des ministres, que "l'Algérie est un pays ami de la France, un pays clé en Afrique et évidemment en Méditerranée", sans oublier de réaffirmer que la stabilité, la sécurité et le développement de l'Algérie sont "essentiels". Cet empressement de la France à réagir à tout ce qui touche à l'Algérie nous rappelle la déclaration du président français, François Mitterrand, qui avait presque intimé l'ordre au pouvoir algérien — qui avait décidé de suspendre le processus électoral après les législatives de 1991— en déclarant : "Il faut respecter le processus électoral." Ainsi, la France ne peut non seulement rester neutre par rapport à l'Algérie, mais encore prendre position, d'où cette caution apportée par Emmanuel Macron au système au pouvoir à Alger. Merzak Tigrine